Je pourrais arrêter mon article là. Tout est dit. Mais vous me connaissez, je suis une incorrigible bavarde. Donc on va étayer un peu car on va trouver ici l’essence même de ce qui permet à notre système actuel de fonctionner encore alors que ce ne sont que très rarement les meilleurs qui sont au sommet. Ca va, j’ai dit très rarement, je n’ai pas dit jamais. Mais force est de constater que les pires patrons trou du cul arrivent toujours à avoir une bonne majorité de rouages qui fonctionnent. Pas grâce à leur charisme ou leur leadership. Non. Juste parce qu’on nous a appris le goût du travail bien fait.
Les patrons trou-du-cul me tendent
J’ai un ennemi : le stress. Enfin, le stress généré par des interactions humaines de peu de qualité. Je pourrais vous faire une liste à la Prévert de toutes ces interactions mais comme ce n’est point mon sujet du jour, passons. Cependant, si les gens pouvaient un peu plus respecter leur prochain et les quelques règles de savoir-vivre, les interactions humaines de peu de qualité seraient divisées par trois ou quatre, si vous voulez mon avis. Mais là, aujourd’hui, je vais plutôt parler des tensions au bureau genre Dieu le père ou ses subordonnés direct qui ont décidé d’un peu vous pourrir la vie. A tort ou à raison. Ca, ça me tend. Déjà parce que j’ai une sensibilité forte et une colère qui, non contenue, peut devenir dévastatrice. Et même si mon patron est un trou du cul, lui jeter le terme au visage pourrait me coûter beaucoup. Malgré le soulagement sur le moment.
Une élève parfois appliquée
Enfant, j’étais relativement sage. Je veux dire de type plutôt polie, bonne élève. Toujours dans les premières de la classe sans trop me fouler. Parce que j’ai une bonne intelligence logique et surtout une bonne mémoire. Bon après, j’avais le défaut de ne pas travailler du tout ce qui ne m’intéressait pas donc dans certaines matières, les résultats n’étaient pas fameux mais je restais un bon élément. J’ai donc abordé le monde du travail avec ce background là. Et ça ne s’est pas toujours bien passé. Déjà parce que j’ai eu mon (gros) lot de managers et patrons toxiques. Et ça continue alors que ce coup-ci, j’y suis vraiment pour rien. Mais aussi parce que jouer le jeu politique en entreprise me saoule. Aller boire des coups avec ceux qui pèsent après le job, non. Je veux bien faire des efforts mais j’ai une vie, aussi.
Essayer d'éviter les tensions en travaillant bien
Pour éviter les coups et les tensions, j’ai donc opté pour une stratégie simple : faire mon job du mieux que je peux. Même si je n’y trouve pas toujours du sens. Bon, ça n’a pas évité que je me fasse un jour convoquer par la RH car j’avais envoyé un document un mardi matin plutôt qu’un lundi soir. Convocation qui s’était terminée sur un “oui, tu as sauvé un client et tu en as gagné un autre mais bon…”. Absurde. Mais on a l’amour du travail bien fait chevillé au corps. On a été élevés comme ça. Je veux dire une partie de la reconnaissance parentale vient des bonnes notes. En tout cas chez moi. J’étais récompensée quand je ramenais un bon bulletin. Il n’y avait pas que ça mais quand même. Ainsi, il semble que mon système de valeurs soit basé sur l’amour d’un travail bien fait. Pas de jugement moral ici, on pourra en parler une prochaine fois au besoin.
Un seul talent : celui de recruter des gens consciencieux
Et c’est comme ça que les patrons les plus incompétents peuvent s’en sortir. Conversation tenue dans la salle de dej de mon taf il y a quinze jours, alors qu’on se lamentait sur notre nouvelle direction qui est… je vais éviter de sortir un qualificatif, pas de psychophobie ici. Disons qu’elle est violente, irrationnelle… et assez méchante. Alors qu’on se demandait comment une telle boîte pouvait encore tenir debout, le représentant du CSE a asséné cette vérité “ça tient parce que les gens ont l’amour du travail bien fait”. C’est marrant, c’est exactement ce qu’on se disait par rapport à Pubilon près de 15 ans plus tôt. Une de mes anciennes collègues de cette boîte maudite avait dit “le seul talent du PDG, c’est d’avoir su recruter des gens brillants”. Brillants, je ne sais pas. Consciencieux, certainement.
En service minimum
Parce que c’est pas évident de se saborder, on ne va pas se mentir. Alors que tout s’effondre, ma désormais ex-cheffe se reproche encore de quitter le navire trop tôt. Idem pour ma collègue à qui on a commencé à parler de rupture conventionnelle pour ne plus lui en toucher un mot. Depuis elle n’a plus rien à faire et culpabilise presque de regarder des séries et envoyer des CV sur son temps de travail. Quand elle m’en parle, je hausse les épaules “mais tu rends ce qu’on te donne.” Toujours plus facile à dire quand on n’est pas concernés. Même si j’avoue avoir également totalement lâché l’affaire et me contenter du minimum vital. Le minimum vital voulant dire : je fais ce qu’on me demande sans chercher à faire plus. Et je fais des CV et du PowerPoint Art. Je rends ce qu’on me donne mais…
Comme une envie de satisfaction
Mais c’est pas naturel de ne pas s’appliquer. Parce que ce n’est pas qu’une question de servilité. Quand je travaille, j’y mets aussi de l’ego. C’est sans doute lié à mon driver “fais des efforts” mais j’aime défaire les noeuds. J’aime trouver une histoire à raconter et le faire à grand renfort de slides, de tableaux, de cartouches. J’aime la satisfaction du travail fini et bien fini. Et il y a aussi une fort partie d’ego quand on reçoit des compliments sur son travail. L’enfant en nous est satisfait comme je l’étais quand je ramenais un bon bulletin à la maison. Le sac de billes en cadeau en moins. Il est humain de s’appliquer à faire les choses et à en tirer une certaine satisfaction. Même si on a conscience que cette application va profiter à un individu qui ne mérite pas une seule goutte de notre sueur.
Le travail, c'est la galère
Et puis il y a le climat social anxiogène. Perdre son travail, c’est l’angoisse. Surtout en province parce qu’autant vous dire que y a moins d’opportunités qu’à Paris. Et c’est une meuf qui a occupé trois postes en deux ans et demi qui vous dit ça. Oui, sur le papier, se faire licencier ou “rupture conventionneliser”, ça ouvre le droit au chômage, au repos, à la reconstruction. Mais dans une société où on nous rabâche H24 que les chômeurs sont de sales profiteurs qui font qu’à voler l’argent des honnêtes travailleurs et que même, on va moins bien indemniser, faut la tenir, sa position. Je suis la première à prendre mes périodes de chômage avec philosophie. Quand ils ont éliminé ma ligne excel lors de mon deuxième passage chez Vinyl, ma première réaction a été de dire “ok, je profite de mon été et je trouve un job à la rentrée”. Ma deuxième a été d’envoyer des CV partout. Parce que le marché du travail à Bordeaux me stresse puissance 10 000. Et qu’en vrai, moi, j’ai juste envie de passer mon permis bateau pour devenir pilote du Batcube même si c’est chaud de piloter sur la Garonne.
Cultiver l'intranquillité
Evidemment que tout est fait pour maintenir le salarié dans une intranquillité. Pourquoi vous croyez que le gouvernement commence à s’énerver sur “l’emploi à vie des fonctionnaires”. Faut pas qu’on se (re)pose, il ne faut pas qu’on se sente à l’abri. Il ne faut pas qu’on prenne trop la confiance. Car les patrons incompétents ont besoin de nous.
Mais moi, je passe en mode quiet quitting. Et je commence à tester différentes stratégies.