Marche aussi avec “tu verras, quand tu commenceras à gagner de l’argent, tu deviendras de droite”. Ma foi, 45 ans, propriétaire, 18 ans de CDI et je vote toujours bien à gauche. On dirait que la prédiction n’est pas universelle. Parce que je suis rare et unique ? Non. Surtout parce que c’est un mensonge. Mais un mensonge qui raconte des choses intéressantes en soi.
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Ce sera forcément comme ça
Quand j’étais jeune, ça sonnait un peu comme une fatalité : quand tu es jeune, tu es de gauche et quand tu avances dans la vie, tu vires à droite. C’était genre une sentence immuable. Quand tu vieillis, tu fatigues plus vite, tes cheveux virent au blanc, ton visage se frippe et tu vires à droite. Voire même tu deviens un peu raciste. Ok. Et puis tu réfléchis un peu et tu trouves, dans ton entourage, de vieilles personnes toujours à gauche. Voire encore plus à gauche que quand ils étaient jeunes. Des exceptions ? Non.
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Devenir riche, c'est virer à droite ?
Après tout, s’il existe de jeunes droitards, il est normal qu’il existe de vieux gauchistes. Alors, c’est une question de richesse ? Les vieux de gauche sont-ils pauvres ? Et bien si on prend les quelques données qu’on a sur le sujet... Il y a corrélation mais ce n'est pas systématique. On a même quelques millionnaires et héritières notoirement de gauche. De la même façon que le RN ramasse bien dans des populations pauvres. Parce que cette population pense que les politiques en place ne les aidera pas. Oui mais surtout par racisme et par calcul assez simple : s’il n’y a plus d’Arabes, il y aura plus de boulot. Oui, on n’oublie pas que les Arabes vus par le RN sont des Arabes de Shroedinger : ils volent le travail tout en ne faisant rien parce qu’ils touchent 10 000 € d’allocs par mois.

Une question de sagesse
Alors pourquoi cette croyance fort répandue ? Tout simplement parce qu’on veut nous faire croire qu’être de droite, c’est être sage. Eclairé. Reprenons nos sentences. A quoi associe-t-on la jeunesse ? A l’insouciance, à l’idéalisme. On vit d’amour et d’eau fraîche, on n’a aucun patrimoine. Ah ben oui, c’est facile de rêver en couleur quand on n’a rien à perdre. Tant qu’on n’est pas attaqué au portefeuille. En grandissant, on réalise que tout ça n’est pas sérieux, que ça ne peut pas fonctionner.
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Personne n'aime payer des impôts
Allons donc. Vous savez quel a été l’argument utilisé par la DRH qui voulait me filer le moins de thunes possibles lors de ma rupture conventionnelle “oui mais Nina, tu vas payer des impôts”. Oh zut, t’es pas tombée sur la bonne cliente… “Moi, ça ne me dérange pas de payer des impôts”. Oh la panique en face. “Oui mais tu risques de passer une tranche”. “Et bien tant pis”. C’est un argument d’autant plus compliqué à tenir face à quelqu’un qui va bientôt bénéficier de la solidarité. Parce que oui, si mon chèque de départ va me permettre de tenir quelques mois sans allocations chômage, toujours est-il que je vais pouvoir me reposer sur un système de solidarité tant que je n’ai pas retrouvé un job.

Mettre au pot commun sans attendre de récupérer sa mise
Mais même quand je n’étais pas concernée par le système de solidarité, j’étais rassurée de savoir que je pouvais en bénéficier. Et également satisfaite de pouvoir aider des gens en galère. Je crois en la solidarité, même si je dois ne jamais en bénéficier. Typiquement, sur la santé. J’ai peu de problèmes de santé. Oui, j’ai bénéficié d’une opération de la myopie et j’ai des prothèses auditives. J’ai également subi une opération du genou, des soins dentaires. Un arrêt maladie d’un mois… Mais ça, c’est entièrement la faute de mon patron. Et en vrai, je suis très satisfaite de mettre au pot commun sans trop en bénéficier parce que, hé, ça veut dire que j’ai une bonne santé.
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Tout est question de valeurs
En fait, ce n’est pas compliqué d’imaginer pourquoi, quand on est de gauche, les ans et les revenus ne changent rien à l’affaire. Parce que nous parlons ici de valeurs auxquelles on croit, une certaine vision de la société. En vrai, plus j’avance dans la vie, plus je brûle ma vision un peu naïve de la société qui serait un peu juste. Où les gros nullos échouent au lieu d’être sauvés par leur fortune familiale. Plus je suis confrontée à tout ça, plus je glisse à gauche. Et je ne vous parle pas de ce qu’il se passe quand j’ouvre un journal. Parce que oui, on essaie de nous faire croire qu’être de gauche, c’est un idéalisme de gosse, une vision rose bonbon de ce que pourrait être le vivre ensemble. Alors que dans les faits, quand je regarde ma gauchosphère sûre, on est plutôt sur des gens très éduqués, très au fait de l’actualité, en ayant une lecture critique. Et pas mal de professeurs d’université, des auteurices. On est très loin des enfants qui rêvent de vivre dans le monde des Bisounours.
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Etre de droite, du pur bon sens ?
Cette volonté de nous faire croire qu’être de droite, dans le sens libéral du terme, c’est juste du bon sens, c’est un énième avatar de cette croyance qu’on ne peut pas sortir du capitalisme. Que c’est le seul système disponible, raisonnable. Hé, tu as vu tous les morts du communisme ? C’est assez drôle quand on y pense. Penser que le communisme a fait faillite alors que le capitalisme a triomphé. Les gens sont tellement matrixés là-dessus, c’est que dès qu’il y a une pénurie, qu’on doit faire la queue pour acheter à manger ou des denrées élémentaires ou du PQ, “ohlala, on se croirait dans un pays communiste”. Sauf que c’est le capitalisme qui produit ça. Celui dans lequel on vit. Celui qui sacrifie notre santé sur l’autel de l’économie, par exemple.

Moralité : non, on ne devient pas systématiquement de droite quand on vieillit. Je crois même que c’est précisément l’inverse.