Il monte, il monte, le Zemmour, le Seigneur des bois, Mesdames. Il monte, il monte, le Zemmour… Commençons par un aveu. Je réalise que finalement, je connaissais assez mal l’animal. Enfin, que je n’avais jamais cherché à le connaître plutôt. Je le savais menteur comme un arracheur de dent. Citer des rapports qui n’existent pas, tordre la vérité jusqu’à la rendre adaptable à sa sauce. J’ai longtemps cru que cet homme finirait sa carrière oublié de tous. Une mauvaise blague qui avait déjà assez bien duré. Pas de chance, on a remis une grosse pièce dans la machine. Je ne sais pas si le mec sera, in fine, candidat. Je continue à en douter mais en attendant, j’en peux plus de voir sa gueule satisfaite dès que quelqu’un perd patience devant ses mensonges éhontés. Car il sait qu’il ment. Tout le monde le sait. Mais cette parole « alternative » a désormais son rond de serviette sur les plateaux télés.
La vérité, on s'en fout
Zemmour, le mensonge, c’est son fond de commerce. Même quand on lui apporte des chiffres pour le contredire « non mais vous savez que ses chiffres sont faux ». Bah non… Bah si. C’est pour ça que je deviens folle quand je constate que ce mec est considéré comme un partenaire de débat valable. Tu peux pas débattre avec un gars qui balaie chaque argument « Non, c’est faux et vous le savez très bien ». A partir de là, tu espères quoi ? Très clairement, les gens qui écoutent l’échange choisissent leur camp. Et chacun va dire « c’est ça la vérité », « non, c’est ça ». Et on aura des fact-checker à côté de leurs pompes qui assèneront des « vous vous êtes trompés de 0,2% » ou « non, EDF n’a pas le droit de couper l’électricité, vous racontez nawak ». Franchement, au début, je trouvais ça une bonne idée, les fact-checkers mais aujourd’hui, je me rends compte que globalement, ils apportent rien au débat. De toute façon, la vérité, plus personne n’en a rien à foutre.
Chacun choisit sa vérité
C’est très simple. Aujourd’hui, on oppose la « vérité officielle » et l’autre, « celle que l’on veut taire ». Ca marche sur absolument tous les sujets. A droite, à gauche, chez les gens dépolitisés, partout. Parce que chacun va faire ses propres recherches, va choisir ses sources. Un prêt-à-penser bien pratique. Et ne croyez pas que je me place au-dessus de la mêlée là-dessus. J’ai également mes maîtres à penser, dirons-nous. Car je n’ai malheureusement pas le temps de m’intéresser à tout ou je n’ai pas forcément l’envie. Zemmour dont je parlais précédemment est un excellent exemple. Je ne connais pas tant les prises de parole de Zemmour, jamais lu ses bouquins, regardé ses émissions. Et j’ai aucune volonté de le faire. Même pour connaître « mon ennemi » car pour moi, Zemmour est surtout un épouvantail et j’’ai trop peu de temps de lecture donc je préfère le consacrer à des sujets qui m’intéressent. Ou à des romans. Sur des sujets qui m’intéressent genre les dystopies (au hasard). Bref, ce que je sais de Zemmour, c’est via des extraits montrés par des gens souhaitant dénoncer l’imposture. Et je ne prends pas la peine de regarder ce que dit « le camp d’en face ». Pour les mêmes raisons que citées précédemment plus mon hypertension. Je crois pas que regarder du Julien Rochedy, Papacito ou lire Valeurs actuelles est bon pour ma santé, vraiment. Après, mes maîtres à penser ne sont pas immuables. Il suffit que je les « prenne en flag’ » de manipulation sur un sujet que je maîtrise ou que la parole devienne un peu gênante et je lâche l’affaire. Cancel culture ? Non, juste garder les idées claires.
On choisit ses exemples pour construire son mythe
J’ai déjà dit que le débat n’existait pas mais là, on atteint un niveau stratosphérique à base de « c’est pas vrai. Si. Non. Si ». Alors on pourrait accuser les réseaux sociaux et les bulles de filtre mais les arrangements avec la vérité ne datent pas d’hier. Un exemple ? Mes parents. Lorsque j’étais venue en mai, on parle soudain de mes études à la fac et un des deux sort « oui, de toute façon, les profs ne venaient jamais. Surtout s’ils avaient cours à 8h, ils arrivaient à 11 ». Moi « pardon mais alors pas du tout. Vous sortez ça d’où ? ». Pas de réponse. Ouais, c’est bien ce qu’il me semblait. Rassurez-vous, je n’ai pas mis fin au mythe. Mes parents étant bien à droite, les fonctionnaires seront toujours des feignants et des profiteurs. Y compris dans la bouche de ma mère, petite-fille, fille et sœur de cheminots et elle-même infirmière. Qu’est-ce que tu veux faire face à ces « convictions » ? La confronter à la vérité ne fonctionnera pas. Au pire, tous les exemples de fonctionnaires que je pourrais citer seront balayés d’un « non mais pas eux mais les autres. Moi à l’hôpital, y avait machin qui foutait rien ». On choisit ses exemples, les autres seront classés dans l’exemple qui confirme la règle. Ca marche pour tous les sujets. Je suis certaine que je pourrais moi-même plaider coupable pour certains sujets du genre. Après, faut sans doute arrêter de confondre individus et systèmes. Aujourd’hui, il n’existe quasi plus aucun avantage à être fonctionnaire, pour reprendre mon exemple. Et puis moi, j’ai jamais compris : si prof est un métier si génial et avantageux, pourquoi on est en pénurie ?
On fait quoi ? On lâche l'affaire ?
Puisque la vérité importe peu et que seule la démonstration vaut, même si elle s’appuie sur des sophismes ou de faux faits, que faire ? Hausser les épaules en soupirant que tant pis, les gens sont perdus ? Sans doute pas. C’est vrai que parfois, c’est désespérant. Voir les gens mordre à un hameçon ou un autre et ne pas être capable de les ramener à une certaine raison car les faits n’ont plus de valeur. Comment leur en vouloir quand on a un gouvernement qui ment sans vergogne et prétend ne pas avoir dit ce qu’il a dit alors qu’on a les enregistrements ? Et notre mémoire, accessoirement, on parle de paroles qui ont moins d'un an, souvent. Et je parle pas précisément du règne Macron. C’est pas nouveau, les arrangements avec la vérité dans les sphères officielles. Cf les nuages qui s’arrêtent poliment aux frontières. Je suis très gênée aux entournures sur ce sujet, surtout quand je vois comment on utilise la « Science » pour faire du lobbying, comment on s’arrange toujours pour présenter les faits sous un jour avantageux même quand on se prétend plus rigoureux que les plus grands scientifiques eux-mêmes. Et puis peut-on vraiment reprocher aux gens d’avoir cru aux fables d’un Docteur qui prétendait avoir trouvé un médicament miracle en pleine crise. Je veux dire, on croit encore que la science va nous sauver du réchauffement climatique, alors… Je ne peux décemment prendre une position supérieure en mode « ah mais les gens qui croient n’importe quoi, c’est vraiment des gros cons ». Que celui qui n’a jamais mordu au moindre fake me jette la première pierre car oui, on a tous avalé une histoire qui nous plaisait bien. Après, je suppose que tout est dans la persistance. Si on m’explique que c’est faux, j’efface mes messages sur le sujet et je m’excuse.
Prêcher dans le désert au cas où
Mais ça répond pas à la question : que faire ? Débattre ne servira à rien, donc. Prêcher dans le désert ? Peut-être que c’est pas tant dans le désert que ça, après tout. Je blogue depuis 16 ans (…) pour deux raisons : d’abord pour évacuer tous ces mots que j’ai en permanence dans ma tête mais surtout… parce qu’on ne sait jamais. Peut-être que je vais ouvrir une porte dans l’esprit de quelqu’un qui me lit. Peut-être qu’un article ou l’autre fera mouche et l’enjoindra à se pencher un peu plus sur le sujet. Ouais, moi, être maître à penser, ça m’intéresse pas. Par contre, joindre ma modeste voix à d’autres, montrer des chemins qui pourraient être intéressants de creuser, ça, j’aime. La vérité ne compte plus, ok. Alors plutôt que de penser faits, pensons systèmes, pensons société et sociologie. Dépassons les simples chiffres qui ne veulent, in fine, ne rien dire indépendamment. Ne perdons pas notre énergie à essayer de convaincre ce qui n’ont aucune envie de l’être et se sont construit un univers de pensée dans lequel la contradiction est déjà détruite par leurs maîtres à penser. Je vous renvoie à ce témoignage sur l’anthroposophie. Si vous voulez vraiment essayer de sortir des gens de ces systèmes de pensées, vous ne pourrez faire autrement que d’écouter très attentivement les gourous car vos faits et contre-arguments, ils les connaissent déjà et y ont déjà répondu. Il faut juste ne pas céder de terrain. Prendre la parole, continuer à expliquer. Pour ceux qui écoutent, pour ceux qui n’y avaient pas encore pensé. Montrer que le féminisme n’est pas qu’une cause d’hystériques isolées et que les « vraies féministes », ce n’est pas un diplôme décerné par des mascus qui veulent juste que l’on se taise et qu’on obéisse. Que tous les Zemmour et autres chantres du Printemps Républicain ne suffiront pas à démonter une Rokhaya Diallo car elle n’est pas seule.
Dépenser intelligemment son énergie
Aujourd’hui, le débat ne sert à rien. Même pas à gagner des voix car les gens qui regardent les débats ne le font que pour conforter un choix. Et espérer piquer des voix à Zemmour quand on est bien à gauche est un calcul assez flippant. Hein Jean-Luc ? Il faut aujourd’hui choisir ses combats et surtout comment on dépense son énergie. Parler à un gars qui ne fait que dire que tout est faux et ricane quand on finir par perdre son sang-froid, ça me paraît un mauvais calcul. Quel que soit le but recherché.