Ou comment, une fois de plus, la doxa médiatique nous enfonce dans le crâne que tout le monde abuse du système. Encore un article dans la lignée des précédents, tant de suite dans les idées, incroyable. Même si je ne l’avais pas prévu au départ, celui-ci. Bah oui, le congé menstruel, je l’avais évoqué au détour d’un article mais vu que ça fait beaucoup parler, on va poser deux ou trois basiques. Parce que vous commencez à me chauffer un peu, surtout vous messieurs cis. Pour des personnes sans utérus, vous avez un avis beaucoup trop tranché sur la question.
Travailler en souffrant parce que les mecs cis trouvent ce congé discriminant
Bon, balayons le point un de la discrimination, gna gna gna. Je sais pas si vous avez remarqué mais les hommes et les femmes (cis) ont quelques petites différences. Mon mec, lui, a un pénis et des testicules. Moi, j’ai un utérus. Et un vagin, un clito, une vulve, tout ce que vous voulez mais c’est mon utérus qui m’intéresse. N’ayant aucun souci à ce niveau-là, tous les mois, j’ai mes règles. Tous les 23 jours très précisément car mon corps a l’air décidé à surexploiter ma fertilité alors que je n’en ferai rien. Et des fois, j’ai mal. Alors que mon mec, lui, n’a pas ces douleurs récurrentes. Lui, c’est plus au niveau des lombaires, ce qui lui a valu quelques arrêts maladie, d’ailleurs. Donc : si moi, je prends des arrêts maladies parce que je douille ma mère à cause de mes règles = discrimination. Mais si mon mec prend des arrêts maladie pour mal de dos, ça va vous défriser ? Non, évidemment. Alors je sais que les femmes ont plus l’habitude de la douleur que les hommes mais pourquoi vous hurlez à la discrimination ? Franchement, moi, je vous file mes douleurs de règles sans problème, hein. Et encore, moi, je suis dans la team “ça tire, c’est inconfortable” mais je n’ai pas de réelles douleurs. Les seules fois où j’ai douillé ma mère, lors de la pose de mon premier stérilet, j’avais acheté des compresses chauffantes dans le dos tellement j’étais pliée en deux. Mais bon, ça ne vaut pas un arrêt, hein. Travailler en souffrant, la base.
On va pas s'excuser de souffrir
Autant je trouve le congé menstruel très bien car pour certaines, la douleur est vraiment difficile à gérer, autant c’est pas tant le sujet de l’article en fait. Plot twist, tu l’avais pas vu venir. En vrai, je trouve cet exemple excellent pour discuter de deux “arguments” aperçus dans les commentaires postés par des gens absolument pas concernés par les règles et qui souffrent d’un manque total d’empathie. Des hommes cis 95% du temps et quelques meufs pick me. Le premier est celui de la “discrimination”. Quoi, un congé qui ne concerne qu’une certaine frange de la population ? Scandale ! Oui enfin, comme le congé maternité ou les congés enfants malades car on sait très bien qui les prend, hein… Mais surtout… Doit-on vraiment s’excuser d’avoir un corps qui peut potentiellement nous faire souffrir tous les mois ? Peut-on parler de justice ou d’équité ? On n’y peut rien si on a mal. On n’y peut rien si les problèmes de santé féminins intéressent si peu la recherche que l’endométriose, vraie maladie, est si mal connue et reconnue depuis environ avant-hier.
Les femmes sont déjà victimes de discriminations à l'embauche
Tant qu’on est sur le volet discrimination, allons-y. “Ca va pénaliser l’embauche des femmes”. Tu veux dire plus qu’aujourd’hui ? Va trouver un job quand tu es une jeune trentenaire fraîchement mariée. Aujourd’hui, encore, on a des récits de femme qui ont subi des questions très personnelles en entretien d’embauche quant à leur envie de faire un moufflet. Des potentiels employeurs qui leur sort un laïus sur le fait que le poste ne sera sans doute pas compatible avec une quelconque maternité. On ne dit jamais ça à un mec, jamais. Parce que oui, en 2022, on a beau connaître parfaitement le concept de charge mentale, ce sont toujours les femmes qui s’y collent. Ce sont elles qui sacrifient leurs jours de travail dès qu’un petit est malade. Ce sont elles qui ne font pas les soirées entre collègues ou si peu car la marmaille attend. Manquant par la même l’occasion de faire copain-copain avec les N++ et choper une promotion. Et puis donnerait-on une promotion à cette employée qui part à 17h30 pétante pour aller récupérer ses mômes ? Bonjour le manque d’implication. Le confinement nous a encore rappelé, si besoin en était, que la carrière sacrifiée du couple au nom du bien-être des enfants, c’est celle de la femme. Et viens pas me pondre un comm pour me dire que chez toi, c’est pas le cas. Si ton histoire est vraie (déjà…), tu constitues une exception Jean-Claude, pas la norme.
Les crampes au bide, c'est pas l'idée que j'ai d'une journée off
Les femmes sont de facto discriminées. Pour une fois qu’on essaie de penser d’abord à leur santé, c’est la levée de boucliers. Tous les Jean-Mascus et autres petits soldats du patriarcat viennent vomir leur argument “12 jours de congés en plus par an, scandale !”. Mmm, on va juste s’arrêter deux secondes sur ce fameux congé. C’est pas une journée repos, glande, hein. Pour être dotée d’un utérus, je peux vous dire que quand ça douille, à part rester au lit en serrant fort ma bouillote contre mon ventre, j’ai pas l’élan pour faire autre chose. Et je dis ça, je fais partie de celles qui ne souffrent que rarement. J’ai une pote, au lycée, elle a passé plusieurs après-midis à l’infirmerie tellement elle souffrait. Et je peux vous dire que vu sa tête, elle simulait pas. Je pourrais faire tout un laïus sur le manque d’empathie de tous ceux qui refusent de comprendre mais on sait que dès que ça concerne les femmes, la société n’en a pas grand chose à foutre. On va faire deux ou trois vidéos rigolotes de mecs à qui on met une ceinture d’électrostimulation et qui s’évanouissent de douleur et basta. Cette levée de bouclier est d’autant plus curieuse que dans ma carrière, j’ai connu bien plus de mecs qui ne venaient pas un lendemain de grosse cuite corporate que de nanas renonçant pour des douleurs menstruelles mais passons.
Et les malades chroniques, alors ?
Ce congé menstruel soulève les mêmes arguments fallacieux que n’importe quel débat. Par exemple le “mais y a des gens, c’est pire, comment pouvez-vous ne pas vous en préoccuper”. Pour les racistes, c’est le fameux “quoi, loger des migrants ? Et nos SDF, alors ?”. Ici, on a droit à “ah ben les malades chroniques vont apprécier cette discrimination”. Alors déjà, point numéro 1 : l’endométriose est une maladie chronique. Du coup, quoi, les gens doivent disposer d’aménagements de poste particuliers pour leur maladie chronique sauf celle-ci ? Ensuite, les aménagements pour les maladies chroniques et autres cas particuliers, ce n’est pas une nouveauté. Croire qu’une personne qui souffre de maladies chroniques doit aller voir le médecin à chaque crise pour un arrêt, ce dont seraient dispensées les femmes menstruées, c’est affabuler. Et quand bien même, une fois de plus, pourquoi toujours s’indigner qu’on facilite la vie de quelques personnes ? Pourquoi vous êtes aigris et mauvais à ce point ? Surtout que…
Un congé qui sera peu pris
Personne ou presque ne va le prendre, ce congé. Je suis toujours assez fascinée par les gens de droite toujours persuadés que les gens face à eux veulent juste baiser le système pour leur confort personnel. Alors que, justement, ce sont souvent eux qui le baisent, le système. Comparez la fraude fiscale vs la fraude sociale, je ne comprends même pas que ce soit encore un sujet. Ah oui, pardon, la fameuse doxa médiatique qui va toujours gueuler sur ceux qui volent un RSA alors que les grands patrons qui détournent des millions ou font des montages alambiqués pour pas payer d’impôts, là… On le sait qu’en France, beaucoup de personnes ayant droit à des aides diverses et variées ne les réclament pas. Parfois par honte, parfois par ignorance. Je vous renvoie au témoignage de la Carologie là-dessus, c’est vraiment un excellent exemple. Les gens ne sont pas des rats comme vous, les gars. Ils ne cherchent pas à tout prix à profiter du système. C’est comme les boîtes qui offrent des “congés illimités”. En moyenne, les gens prennent moins de vacances que possible. Parce que des gens comme vous leur ont mis dans la tête que c’est mal de profiter de quelque chose à laquelle ils ont droit. Le nombre de gens qui se “vantent” de pas prendre toutes leurs vacances car ce sont des bourreaux de travail. Bande de victimes, ouais !
Oui, c'est un progrès social et on ne va pas en rester là
Bref, n’écoutez pas les épouvantails qui hurlent d’effroi à la moindre avancée sociale, aussi timide soit-elle. Ce sont les mêmes qui se croient très intelligents de réclamer des capotes gratuites quand des entreprises mettent à disposition des protections hygiéniques gratuites. Ouais, niveau QI, on est niveau spéologie, je suis d’accord. Surtout qu’en général, plus une personne va suspecter que quelqu’un va détourner un système, plus je pars du principe qu’elle même n’a pas le cul propre. Le congé menstruel ne mettra pas en péril la bonne santé des entreprises, ce n’est pas un privilège. Mais pour les femmes qui souffrent, c’est un petit plus. Et déjà, ça, pour beaucoup, c’est trop. Mais bon, râlez autant que vous voulez. On continue à avancer. Petit pas par petit pas.