Hey hey ! En attendant que j’avance dans mon récit de ma dernière boîte des enfers, un petit article travail ! J’ai déjà écrit trois articles sur cette boîte méphitique, j’attends d’en être à la moitié pour commencer à publier. Mais ce n’est pas de ça dont je voulais vous parler parce que c’est pas intéressant. En ce moment, je suis en pleine révolution pro puisque j’ai démissionné de mon nouveau taf et que j’entame un bilan de compétences. Moi qui adore pérorer sur le monde du travail, imaginez comme ça me fait carburer. Et justement, j'ai un nouvel article qui va concerner l’arrêt maladie et cette posture du “moi, je ne suis pas comme ça”. Ou comment la doxa médiatique nous fait culpabiliser à l’idée de dire stop.
Ce n'est jamais facile de s'arrêter, quoi qu'on en dise
Alors point essentiel avant de poursuivre : je ne vais pas jeter la pierre à ceux qui ne s’arrêtent pas alors qu’il faudrait. Moi-même, je n’y arrive pas. La seule fois où j’ai fait un arrêt “burn-out”, c’est parce que j’avais promis de le faire, en somme. En plus, je n’ai pas de généraliste attitré donc je crains toujours de tomber sur quelqu’un qui ne veut pas m’arrêter, estimant que je fais un caprice. Cette crainte du caprice, ce n’est pas pure parano. Ca fait des années qu’on est gavés de reportages qui “dénoncent” les arrêts maladie de complaisance, ohlala. Curieusement, on a droit à beaucoup moins de reportages sur les ravages du présentéisme… Surtout à l’heure où une pandémie mondiale se transmettant par aérosol, parfois peu symptomatique et fortement contagieuse continue de sévir. Oui, c’est pas parce qu’on n’est plus obligés de porter un masque que la maladie a disparu. Bref, l’arrêt maladie, c’est pour les faibles, les tricheurs, les arnaqueurs. Mmm… une cabale médiatique contre un droit, ça puerait pas un peu le désamorçage d’un formidable outil de lutte contre les abus patronaux ?
Les trop bons soldats tiennent bon
Le mari de ma besta est actuellement en souffrance dans son travail. Je lui dis “ils veulent te faire partir ? Ok mais ils doivent aligner la maille. Fais toi arrêter et…” “Ah non, je ne suis pas comme ça !”. Comme quoi ? Comme une personne qui a décidé de répondre au feu par le feu ? Je ne blâme pas spécifiquement ce garçon puisque comme expliqué précédemment, on nous a enfoncé dans le crâne que, sauf maladie réelle, les arrêts maladies, c’est mal. Et quand je parle de maladie réelle, je parle fracture, grosse grippe avec fièvre voire cancer. S’arrêter pour grosse fatigue et baisse de moral, non, vraiment, c’est exagéré. Surtout que bon, si tu t’arrêtes, tu vas mettre tes collègues dans la merde… Oui, ça, c’est l’argument qui me désamorce à chaque fois. Même là, alors que je suis démissionnaire et que ma boîte continue de faire comme si je n’étais pas surchargée, j’ose pas lâcher parce que je veux pas que ça mette mes collègues dans la merde. Voyez, je peux difficilement juger ceux qui considèrent qu’un arrêt maladie c’est mal, vu que je suis moi-même une trop bonne soldate. Une soldate qui sait qu’elle est victime de la cabale anti-arrêt maladie mais une soldate qui reste au front.
On aide trop les patrons à mal gérer leurs effectifs
Sauf que ça m’énerve. Que je sois comme ça. Que l’on soit comme ça. C’est assez symptomatique du grand écart entre ce que racontent les médias toujours plus à droite (“les gens abusent du système”) et la réalité (“je ne veux pas abuser du système). L’arrêt maladie est un droit. Un droit qui survient aussi quand la maladie n’est pas que physique. Mais non, on ne va pas plier à la première contrariété. A l’époque des jeudis survie au taf de Marie DaSylva, ces récits commençaient à peu près systématiquement comme ça. “Iel était à bout, je lui ai dit de commencer par s’arrêter mais iel ne voulait pas.” Ca me frustre de constater qu’on a du mal à jouer à arme égale avec nos harceleurs. Parce que pour reprendre l’exemple du mari de ma besta, le mec s’étiole jour après jour. Il a parfaitement compris qu’ils cherchaient à le pousser au départ mais il reste. Parce que, collectivement, on nous a appris à ne pas quitter le poste, quoi qu’il en coûte. Et non, le mari de mon ami ne sauve pas plus de vies que moi. Notre arrêt ne mettra que notre boîte en délicatesse, la société ne s’en portera que mieux. Mais les collègues, tu comprends… J’ai vécu l’enfer en début d’année car dans mon équipe, sur sept personne, il y en a une qui est partie en congé maternité anticipé pour épuisement et une autre en arrêt pour burn-out. Mais là encore, j’aurais dû dire non. Ce n’est pas à moi, petite nouvelle à qui on avait promis une formation, de pallier la surcharge de travail qui pesait sur les équipes bien avant mon arrivée. Si tu pousses tes employés à bout, ce ne sont pas leurs collègues qui doivent en payer le prix.
En attendant, je file bosser
Bref, on en revient toujours au même point : il faut changer les récits médiatiques. Et je vais creuser un peu ce point dans un prochain article. En attendant, je vais aller bosser. Je me mettrais bien en arrêt mais étant dans ma première année, ça me fera surtout perdre du salaire.