Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Le travail, c’est une prise d’otage

Publié le 11 Octobre 2022 par Nina in Le travail, Le travail est une humiliation, Abandon de poste

Non mais je vais jamais arriver à publier ma saga sur mes deux derniers jobs. Parce que le gouvernement a décidé de venger les pauvres petits patrons qui ont souffert cet été de ne pas arriver à embaucher. En donnant toujours plus de pouvoir aux patrons et de moins en moins de droits aux salariés. Bientôt, on va signer aux CDI avec notre sang. Vu que si tu craques et tu veux partir sans un nouveau contrat derrière, tu perds. Tu perds chaque jour un peu plus. Niveau relation toxique dont on peut pas sortir, on atteint des sommets.

Enchaîné à son CDI

La tentation de l'abandon de poste

Cet été, j’ai morigéné. Ah, ma boîte, ils ont trop été des connards de me refuser la rupture conventionnelle alors que ça leur aurait rien coûté. Ils ont fait de la merde, ils ont refusé de voir les problèmes et j’ai fini cramée mais c’est moi qui paie les pots cassés en faisant une croix sur une quelconque source de revenus. Je me suis dit que j’aurais dû faire un abandon de poste même si j’aurais sans doute jamais eu les couilles. Mais voilà, à partir de maintenant, c’est fini, l’abandon de poste. Et même, le RN voulait faire en sorte qu'un refus de CDI après un CDD soit considéré comme démission mais ce n'est pas passé. Pour le moment. Tu sais, le truc pour lequel tu cotises, ahahah. On t’a bien eu, hein ? Maintenant, si tu veux démissionner, il va falloir que tu aies un truc assuré derrière ou les reins solides, financièrement parlant. Sinon…

Avoir de l'argent pour démissionner.

Personne ne quitte un CDI juste pour rien foutre

Et là, pardon, mais on est à la limite de la prise d’otage. On va désamorcer un truc très vite. Personne ne quitte son job “pour ne rien foutre”. Surtout un CDI. Ah oui, je ne doute pas que le neveu de votre voisin, lui, il cumule les jobs en interim pour rien foutre entre deux contrats. Mais l’interim est un type de contrat particulier qui ne concerne que 800 000 personnes sur quasi 30 millions en 2022 (chiffres Ministère du travail et INSEE) soit environ 2,5% de la population travailleuse. Et je ne vous cache pas que si l’interim existait dans mon taf, je serais la première à y souscrire. Pas pour les vacances intercontrat mais surtout parce que ça m’éviterait de rester trop longtemps sous la coupe d’un boss potentiellement toxique et/ou incompétent. D’ailleurs, pour ma prochaine étape professionnelle, je vise soit la SSII sur des missions courtes soit l’entrepreunariat. Ma psy du travail trouve que ce serait le mieux pour moi.

Entrepreneuse

Après 15 ans de bad management, j'aimerais souffler cinq minutes

Mon chômage actuel, je l’ai mérité. Et quand je dis “je”, je parle de moi car je maîtrise mon cas mais vraiment, je suis pas la plus traumatisée du monde du travail. Je m’en suis pris plein la gueule en 15 ans. J’ai eu une gamme diverse et variée de patrons toxiques. Entre les incompétents qui se cachent derrière un autoritarisme forcené, les injonctions contradictoires, ceux qui ne voient leur équipe que comme un marchepied pour atteindre le barreau suivant… Le pire, c’est qu’il n’y avait pas que des gens mauvais là-dedans. Mauvais dans le sens humain du terme, hein. Certains étaient juste dépassés et ne savaient pas quoi faire. Alors soit ils faisaient n’importe quoi, soit ils ne faisaient rien. Et si ça chiait, c’était ta faute. Faut dire que c’est très français, ça : la promotion passe par le management. Alors que beaucoup de gens ne sont absolument pas faits pour ça. Moi-même, c’est toujours une fonction qui m’a emmerdée. Et on se retrouve avec des jeunes pousses brisées dès leur première alternance car elles se sont cassé le nez avec un manager toxique et égocentrique. Lisez les témoignages sur Balance ton agency. Vraiment, mon cas est soft comparé à d’autres.

Harcèlement par un manager toxique

On s'en fout de ton projet, tu quittes pas ton job

Mais voilà, 15 ans à m’en prendre plein les dents, à un moment, je ne pouvais plus encaisser. Sans doute l’effet nouvelle vie mais là, j’ai dit stop. J’avais du travail pour deux, de grosses lacunes qu’on m’avait promis de combler en me formant à mon arrivée (lol, non) et le pilote de l’avion était clairement ivre. Sacrifier mes soirées et mes week-ends car on était en sous-effectif, stop. Mon pôle a été extrêmement mal géré par des personnes qui ont choisi le déni mais c’est moi qui paie les pots cassés, donc. J’ai cotisé pendant 15 ans à une assurance qui ne me donnera rien car je remplis pas les cases. Un peu comme quand tu te fais cambrioler la cave “ah non, oups, ça compte pas dans l’assurance habitation”. Et comprenez bien : je suis pas en vacances. Je suis une formation pour changer de taf, mon projet est carré. J’ai juste besoin de temps pour le faire et de moins de charge mentale. Mais non. Et on va vraiment faire en sorte que personne ne puisse quitter son job dans de bonnes conditions.

Déjà, la démission, tu maîtrises peu le bail

Car la démission en CDI, déjà, c’est coton. Un préavis infini. Quand tu démissionnes, il se passe deux choses : la boîte que tu quittes veut te garder jusqu’au bout, la boîte que tu rejoins veut te récupérer le plus tôt possible. Ok les gars mais j’aimerais souffler deux minutes. Finir un job le vendredi soir pour en démarrer un nouveau le lundi matin, ça marchait quand j’avais pas trente ans mais là… Et si tu as un manager toxique dans ta boîte de départ, iel va se faire un plaisir de te laisser filer à la dernière minute. C’est bien, comme ça, tu arrives dans ton nouveau job lessivé·e mentalement. On donne un tel pouvoir à l’autorité dans ce pays, c’est fou. 

L'abandon de poste existe-t-il vraiment ?

Alors j’en entends qui vont me dire que l’abandon de poste, c’est pas cool quand même. C’est la pagaille pour les collègues, la boîte. Ok mais j’ai jamais entendu parler d’abandon de poste dans des boîtes où ça se passe bien. Je connais pas tant de gens qui l’ont fait, d’ailleurs. Et je ne trouve pas de chiffre officiel donc j’imagine que ça reste marginal. Mais le message est clair : vous allez bosser, bande de feignasses. Vous n’êtes plus maître de votre destin. Tant pis pour les reconversions, tant pis pour les projets d’entrepreunariat. Tant pis pour votre santé. Votre CDI, vous ne le quitterez que pour un autre CDI. Ah oui, il y a la démission légitime pour un nouveau projet professionnel mais ça a l’air d’être un loooooong process qui n’aboutit pas toujours. Un conseiller APEC me l'avait déconseillé. Et quand tu dis à ton patron que tu envisages de partir, y a pas loin pour qu’il te pousse à la démission. J’invente rien, c’est exactement ce qui est arrivé à une de mes amies.

Abandon de poste

 

Un backlash en règle

Bref, si ces lois ne devraient concerner que peu de personnes, elles nous renseignent sur deux choses. Que, déjà, si les abandons de poste existent, c’est que les solutions de sortie à l’amiable, elles, n’existent pas vraiment. Coucou la rupture conventionnelle totalement capturée par les patrons. Mais surtout, le gouvernement nous met carrément une fessée version backlash. Vous avez cru renverser la pression cet été en refusant les jobs de merde. On va faire en sorte que vous ne puissiez plus rien refuser. Il est là, le scandale. Et je vous cache pas qu’à l’heure où la Belgique vient d’autoriser la semaine de 4 jours payée 5, je suis blasée de vivre dans un pays aussi furieusement libéral. Ou les salariés sont tous vus comme des arnaqueurs potentiels alors que les arnaques, on sait très bien de quel côté elles sont. Je vous déteste tellement, ceux qui ont voté Macron. Surtout que là, vous ne pouviez pas dire que vous ne saviez pas. 

 

Commenter cet article