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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

La rupture conventionnelle, c'est que pour les patrons

Publié le 20 Septembre 2022 par Nina in Le travail, Le travail est une humiliation, Rupture conventionnelle

Le monde du travail est aussi cruel qu’un soap opera. Je veux dire que parfois, tu crois que des dispositifs vont t’être bénéfiques en tant que salarié mais non, en vrai, c’est un plan machiavélique du patronat pour nous la foutre profond. Again and again. Comme le travail le dimanche ou le monnayage des RTT “pour ceux qui veulent” parce que ça fait plus de sous. Les heures supp défiscalisées parce qu’on “touche plus en net”. Oui mais tu cotises moins pour ta retraite et ton boss paie moins de cotisations dessus aussi. Dans ma dernière boîte, j’avais une partie de mon salaire en heures supp “pour faire plus”. Ou l’auto-entreprise qui servait, à la base, à déclarer ses petits revenus complémentaires et qui sert à pas mal de boîtes à te prendre à plein temps sans te faire signer de CDI. Mais aujourd’hui, on va parler de la pire arnaque selon moi : la rupture conventionnelle.

Une rupture non conventionnelle

Libérez-moi de mon contrat ! 

Il y a un sujet de tension dans le monde du travail : la fin du CDI. Dans le milieu tertiaire, nous sommes beaucoup à n’en plus pouvoir. Parce que le métier n’a aucun sens, que la boîte est nulle, qu’on est essorés par un manager toxique, etc. Arrive un moment où on a envie d’autre chose. Notamment de reconversion, même si celle-ci peut s’avérer décevante. Sur le papier, ça ne devrait pas être un sujet. T’en as marre d’être directeur marketing, tu veux ouvrir une fromagerie, où est le mal ? Ca libère un poste pour quelqu’un d’autre et les gens du quartier auront un large choix de fromage à leur disposition. Evidemment, on pourrait critiquer le vaste flot des anciens du marketing & co qui viennent nourrir toute la sphère de la fake med. Vous n’imaginez pas le nombre de fois où j’ai lu ces derniers mois “avant, j’étais responsable de la logistique et maintenant, je veux faire naturopathe ou art thérapeute”. Moi-même, j’ai eu hypnothérapeute et sexologue comme suggestion. Mais c’est pas le sujet en fait. Le sujet, c’est qu’on n’est que difficilement maître de sa destinée pro quand on est salarié. Et/ou pauvre.

Fin de mois difficiles

J'ai cotisé pour mon chômage mais j'y ai pas droit

J’ai travaillé 15 ans non stop. A quelques intercontrats près. Je quittais un CDI pour un autre CDI parce que c’est ce qu’on est censés faire. Toujours avoir une carte de visite avec un métier écrit dessus. Non ? C’est ce que j’ai longtemps considéré comme une normalité. Surtout que financièrement, j’ai longtemps eu les reins peu solides. Certes, au pire du pire, j’aurais pu bénéficier de l’aide de mes parents. Mais l’ego et l’envie de jouer le jeu de la société sans tricher… Et puis, je dois l’avouer, j’avais l’angoisse de Pôle Emploi. J’ai été inscrite une fois, ça s’appelait l’ANPE à l’époque et… ça avait été SI laborieux. Heureusement depuis… bah non, j’ai testé cet été et vraiment l’enfer. J’ai couru pendant un mois après des papiers pour qu’on me dise “ah mais non, on avait déjà tout”. Grrrrrrrr. Bref, en France, si tu démissionnes sans rien derrière, tant pis pour tes cotisations. T’as fait tapis et t’as perdu, c’est la règle. On va pas financer le chômage des gens quand même ! Il existe cependant deux dispositifs qui peuvent nous sauver les fesses : la rupture conventionnelle et la démission légitime.

Jouer au poker

Mon graal

J’ai une histoire un peu complexe avec la rupture conventionnelle. C’est mon graal, mon étoile du nord, le début d’une nouvelle histoire. Sauf que tout ne s’est pas passé comme prévu. Retour en 2021. Le projet est clair : partir à Bordeaux. Mon PDG n’aimant ni le télétravail ni ma personne, c’est mort pour négocier quoi que ce soit en distanciel. Et comme moi-même, je les déteste, le divorce va être simple. Cependant, je me méfie. Et s’ils me refusaient la rupture conventionnelle ? Prévoyons donc le Plan B, la “démission légitime”. Encore un dispositif pour aider le salarié à sortir de sa relation toxique avec son actuel travail sans avoir besoin d’avoir un autre CDI derrière. Donc me voici au téléphone avec l’APEC pour en discuter. Et le conseiller est sans appel “Franchement, tentez la rupture conventionnelle, c’est plus rapide. La démission légitime, c’est minimum six mois et rien ne vous garantit que ça va aboutir”. J’ai pas 6 mois devant moi, je déménage dans 3. Et ce monsieur de rajouter “je comprends pas pourquoi les entreprises sont aussi réticentes avec la rupture conventionnelle, franchement”. Et bien je vais t’expliquer Michel, c’est parce qu’elles les gardent pour… des licenciements qui ne portent pas leur nom.

La rupture conventionnelle pour cacher un licenciement

Le refus improbable

J’ai pu bénéficier de deux ruptures conventionnelles dans ma carrière. Celle dans mon ex entreprise où le divorce s’annonçait facile. Disons qu’ils m’en auraient proposé une quelques mois plus tard je pense donc ça les arrangeait que ça vienne de moi. Et dans une autre boîte en plein licenciement économique. Sur la dizaine à partir dans ma charrette, on a été au moins deux à passer en rupture conventionnelle car on avait demandé à faire partie des partants. J’ai littéralement été la poussière sous le tapis. J’ai eu juste à batailler un peu pour avoir trois mois d’indemnités comme pour les licenciés économiques et merci, au revoir. Et puis ma dernière boîte… a refusé. J’étais dans leurs effectifs depuis trois mois donc ça ne leur aurait pas coûté plus qu’une démission classique donc j’étais persuadée que ça passerait. Mais non. Parce que ma DG m’en voulait beaucoup de lâcher l’affaire ou parce qu’ils les gardent au chaud pour virer les gens sans se faire trop repérer par l’inspection du travail. Je ne le saurai jamais.

Punir son enfant

Une rupture conventionnelle ? Une chance !

Je ne délire pas sur l’histoire du licenciement. J’ai mon propre cas mais j’ai aussi d’autres exemples. Comme mon ancien collègue Loïc qui est resté dans le navire avec Vanessa, l’horrible manageuse toxique. Et bien elle a réussi à avoir sa peau. Pour son dernier jour à elle, elle s’est offert sa tête. Le pauvre Loïc s’est retrouvé chez la RH “on t’offre une rupture conventionnelle, la chance”. Une des pontes de la boîte l’a même convoqué pour lui expliquer à quel point il était chanceux car des ruptures conventionnelles, ils n’en faisaient jamais. C’est vrai qu’ils les refusaient. Un autre gars de l’équipe d’à côté a dû batailler un an pour l’avoir, sa rupture co. C’est dommage que je ne me souvienne pas des dates mais je mettrais ma main à couper qu’il l’a finalement chopée en décembre. Quand on est sûr qu’il n’y en aura pas d’autres et qu’on n’a pas épuisé le quota. J’avais conseillé à Loïc de refuser car clairement, y avait pas matière à le licencier. Y a juste un gros client qui a décidé qu’il ne voulait plus taffer avec lui pour des raisons pas si professionnelles. Bref, le fusible. Avec un licenciement pour cause réelle et sérieuse, il aurait touché deux mois de salaire en plus puis les indemnités. Après, il a eu envie d’en finir vite, je comprends.

Bagarre au travail

Tu n'auras pas ta RC donc démissionne, merci

Autre cas : Maëlle. Toujours dans le trio des victimes de Vanessa, c’est fou. Ayant envie d’une reconversion professionnelle, elle commence à discuter rupture conventionnelle avec sa boîte. Non seulement ils lui refusent mais maintenant, c’est devenu “tu as annoncé ton départ, on a embauché des gens pour te remplacer donc démissionne, merci”. Elle vient d’avoir un deuxième enfant mais non, zéro pitié. Elle a bossé comme une malade pour eux, sans compter ses heures mais non. On te fout dans la merde et on s’en fout. Non parce que moi, ma dernière boîte, j’ai suggéré qu’ils me licencient s’ils ne voulaient pas me faire une rupture co. Oh bah non, alors, jamais de la vie, on n’est pas comme ça. Oui, vous préférez mettre les gens dans la merde, je comprends. C’est plus humain. A refaire, je la jouerais différemment. Mon collègue qui a annoncé son départ en même temps que moi les a bien fait chier. Le gars a été déstaffé alors… qu’il n’avait pas effectivement posé sa dem. Il n’a cependant pas eu sa rupture conventionnelle. 

J'ai mal joué ma démission

Toujours au salarié d'avoir un comportement bof pour s'en sortir

Sinon, reste l’abandon de poste. Jamais eu les couilles pour celui-là. Mais c’est à peu près le procédé choisi par ceux qui n’ont pas obtenu de rupture co. Et sérieusement envisagé par mon ex collègue pré-cité. Technique choisie par un ancien collègue de mon mec. Suite aux confinements, au rachat de la boîte etc., le gars souhaite quitter la boîte pour se mettre à son compte. Refus. Du coup abandon de poste pour gérer la situation. Après j’avoue que cette solution m’angoisse pas mal. Je cacherai mon téléphone toute la journée car de voir que la boîte m’appelle pour savoir ce que je fous, comment dire… J’ai pas les nerfs.

Le stress de l'abandon de poste

Un win-win pulvérisé par le patronat

Bref, on nous a vendu la rupture conventionnelle comme une façon saine et simple d’en finir avec un CDI. Sur le papier, c’est très joli. On ne garde pas un salarié démotivé, on ne le fout pas non plus dans la merde et on s’organise pour que ce départ se passe en douceur. Sauf que les boîtes y ont juste vu une façon de licencier sans s’emmerder et ont capturé un processus qui aurait dû être un win-win. Mais il n’y a jamais de win-win en terme de salariat. Le patron gagne et toi tu perds. Tu perds du temps, de l’argent, de la sérénité et sans doute pas mal de cheveux et d’heures de sommeil. Vraiment, le salariat, c’est le principe d’une relation toxique. T’es enferrée avec une personne dangereuse et si tu décides de rompre, ça risque de te coûter très cher.

 

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