Ceci est une vraie question. Parce que personnellement, il ne m’en pose aucun, de problème. Depuis une poignée d'années, on nous propose de ne pas boire d'alcool en janvier, pour un peu se calmer après les excès des fêtes. Un peu comme une détox sauf que ralentir l’alcool, c'est pas juste un truc marketing. C'est un fait que l'alcool, c'est pas fou pour le corps ou le mental. Ca tue, même. Ca cause beaucoup de dégâts… C'est assez drôle de vivre dans un pays qui se bat farouchement contre toute drogue mais l'alcool, non, c'est cool. Et sur ce, intervient le drame du dry january. Ou comment certains se sentent opprimés dès qu'on évoque la modération.
Les choix de vie des autres ne devraient pas t'opprimer
Pour des raisons qui m'échappent, certaines personnes se semblent opprimées par les choix de vie des autres. Des choix de vie qui ne les concernent pas mais bon… J'avais parlé de l'arrêt de viande ou du vélo mais apparemment, ne pas boire ulcère pareil. Il est vrai qu'en France, ne pas boire est une anomalie. Aller à un afterwork et optez pour un Orangina et ça va interpeller. Au mieux, vous passerez une personne rasoir. Au pire, on va vous inventer une radicalisation ou une grossesse. Pour les individus dotés d'un utérus, sur le dernier. Alors qu'en vrai, les fois où je ne bois pas, c'est parce que je conduis (mon vélo). Ou juste parce que le seul alcool disponible, c'est de la bière. Et je déteste ça. Voilà, des fois, je ne bois pas et ça n'a rien à voir avec qui que ce soit. Après, si ma grenadine vous met mal à l'aise, je pense que vous avez un souci avec l'alcool.
Assume tes addictions
C'est toujours la même histoire, finalement. On sait plus ou moins consciemment qu'on n'a pas le comportement le plus clean du monde. Ou du moins, on culpabilise légèrement sur le sujet. Ce que je disais plus haut. Celui qui ne boit pas, c'est celui qui n'est pas drôle. Mmm, perso, une personne qui n'est drôle que bourrée ne me paraît pas fondamentalement désopilante. Puis “l’humour des gens bourrés” se résume souvent à se montrer très gênant et pénible. Mais y a aussi ceux qui savent leur consommation problématique. Vous savez, ce côté “je sais que ce que je fais n’est pas clean mais si tout le monde le fait, ça va”. Mmm. Là encore, si tu as besoin de justification ou de gens plus bas que toi pour te rassurer, je pense qu’il faudrait aller voir un psy spécialisé dans les addictologies, je pense qu’il y a un truc.
L'alcool, c'est mal quand c'est prolo
Je ne fais pas le dry january mais j’ai déjà fait l’expérience du dry month. Un peu déçue car je n’ai pas observé de changements particuliers dans ma vie. Cependant, étant issue d’une famille où ça picole pas mal, des fois même avant midi, et ayant une légère stéatose hépatique au foie, j’ai intérêt à faire attention. Bien sûr que j’apprécie un verre, un bon. Là, encore, on touche à un imaginaire collectif. L’alcool, c’est mal quand c’est de la piquette avalée goulûment au comptoir d’un PMU à 9h du mat. L’alcoolisme raffiné, mondain, lui, n’est jamais stigmatisé. Parce qu’on imagine souvent que la cuite de soirée est un peu exceptionnelle, qu’elle est festive et se pardonne. Mais dans la partie alcoolique de ma vie, il y a presque vingt ans, je sortais beaucoup. Je ne buvais jamais seule, certes, mais à quelques torches par mois dont quelques vomis, je ne suis pas certaine que ce soit très sain. Et puis outre les dangers sur la santé, l’alcool à outrance peut entraîner comportements violents et agressions sexuelles. Vous devriez passer du temps à lire les témoignages sur Balance ton agency. Dès que l’alcool entre en jeu, c’est la merde. Et la cocaïne aussi mais c’est pas mon sujet du jour.
Une certaine vision de l'alcool
Je trouve toujours intéressant ce genre de “débat” car il éclaire une certaine vision sociétale des choses. L’alcoolisme, c’est mal mais l’alcool mondain, c’est bien. Ne pas boire, c’est être une personne austère. Ou un Musulman peu en phase avec nos valeurs républicaines. Oui, nos valeurs républicaines, c’est ingérer une substance potentiellement toxique, c’est pas moi qui fais les règles. Evidemment, y a une histoire de lobby du vin derrière, mais celle-ci ne m’intéresse pas trop. Ce qui m’intéresse, c’est la vision que l’on a de l’alcool et de la façon dont on sacralise la consommation d’alcool, à partir du moment où on ne tombe pas dans le cliché du “sale alcoolique”, dirons-nous. Sauf que l’alcoolisme ne ressemble qu’assez rarement au sale alcoolisme, justement. Il recouvre de nombreuses nuances souvent peu ou pas représentés, ne permettant pas à certaines personnes ayant des soucis avec la bouteille de comprendre qu’elles sont dans une dépendance.
Le dry january ne coûte rien
Le dry january a ceci de vertueux qu’il ne coûte rien. Pas de compléments alimentaires hors de prix pour “nettoyer votre foie” ou je ne sais quoi. C’est juste arrêter une pratique et voir ce qu’il se passe. Quand je dis que le dry october que j’avais fait ne m’avait pas apporté grand chose, c’est parce que mon mec et moi avions prévu des stratégies d’évitement. L’apéro après le boulot, on l’aimait non pas parce que l’alcool mais parce que sas de décompression entre le boulot et la soirée. On a remplacé notre verre d’alcool par un verre de jus de carotte et c’est passé crème. De la même façon que quand j’ai arrêté la clope, j’ai vite réalisé que le problème n’était pas l’absence de nicotine mais le fait de se priver d’un certain rituel. Couper une habitude pas terrible pour la santé et voir l’effet que ça nous fait me paraît une démarche plutôt intéressante. Une bonne façon de repérer un éventuel souci d’addiction.
Halte à la société hygiéniste parce que... ?
Brocarder le dry january, c’est souvent brocarder une société dite “hygiéniste” mais… c’est quoi le souci avec une société hygiéniste, en fait ? Ca me paraît plutôt un bon plan d’avoir la possibilité de manger sain, bouger, éviter ce qui peut nous faire du mal. Evidemment, si tout le monde pouvait consommer les substances psychotropes avec modération, l’alcool ou la drogue seraient beaucoup moins des sujets de santé publique. Mais on est tous tellement susceptibles de franchir la limite. Des fois juste pour se donner des excuses pour agir comme un trou du cul. “Ouais, ok, je l’ai coincée contre un mur et embrassée de force mais j’étais bourré, tu comprends”. Devant la justice, ça s’appelle une circonstance aggravante, tu savais pas ? Mais en vrai, je me demande si les pourfendeurs de la société hygiéniste ne le font pas car ils ont conscience que cette vie saine n’est pas donnée à tout le monde. Tout le monde n’a pas les moyens de manger sain, tout le monde n’a pas le temps de bouger ou plus l’énergie le soir venu. Le droit à la bonne santé, c’est pas pour tout le monde. Et faudrait éviter que ça se sache.