La cérémonie d'ouverture des JO et la pureté militante 

Ou “moi, je suis pas un pigeon comme vous”, j'hésite encore sur la tournure que va prendre cet article. Vendredi 26 juillet  a eu lieu la cérémonie d’ouverture des JO. Gros scoop par ici. Cérémonie qui a enchanté mes timelines. Moi ? J’ai pas encore vu. Enfin, si, j'ai vu quelques grands moments. Notamment l'enchaînement Marie-Antoinette et Gojira avec la meuf de la BBC qui sort un magistral “whaaaat ?”. Version qui va être difficile à voir vu qu'elle a l'air d'avoir été supprimée des Internets, pfff. Ah et les équipes de comm du “gouvernement démissionnaire” qui tente de récupérer l'événement à grands coups de tweets. Vendredi soir, j'ai lu des messages enthousiasmé… et samedi, les pisse-froids de la gauche sont venus expliquer qu'il fallait vraiment être con pour se faire avoir par ce spectacle. 

Un directeur artistique qui s'est fait plaisir

J'ai déjà parlé des pisse-froids réac. Et ils ont régalé vendredi soir. Faut dire que Thomas Jolly, le directeur artistique de la cérémonie, s'est fait plaisir. Outre le tableau Marie-Antoinette et Gojira, vas-y que je fais sortir Aya Nakamura de l'académie française avant de faire débarquer la garde républicaine pour accompagner la chanteuse sur Dja dja. Et on enchaîne avec les drag Queen qui représentent la Cène, blasphème ! Ah non, c'est Le festin des Dieux de Biljert. C'est pour ça qu'il y a Philippe Katerine en slip qui représente Dionysos. Et pour ceux qui étaient choqués de sa tenue, il portait la même dans Le grand bain et je vous ai pas entendu râler. Le bleu en moins, certes mais j’ai cru comprendre que ce n’était pas le point de détail qui gênait. Et ça m’a fait plaisir de voir Juliette Armanet alors que y a pas eu un titre de Sardou dans la playlist “so french” de la soirée. Et petit bonus : y a eu un bout de Starmania. Vu que Jolly a réalisé la mise en scène de la dernière version, pas très étonnant. J’espère que le succès de la cérémonie va relancer une tournée Starmania pour 2025 parce que je ne suis pas prête à ne pas le revoir. 

A la base, c'est pas ma came

Bref, de mon coin de canapé, je suis passée de “j’en ai franchement rien à foutre” à “il faudrait quand même que je regarde”. J’ai jamais été très passionnée par ce genre de cérémonie. J’en ai regardées quelques uns plus jeune et je trouvais ça tellement loooong. Je ne retiendrai que quelques épisodes comme la chanson Barcelona de Freddie Mercury et Montserrat Caballe, les fausses colombes de Lillehammer avec toute une cérémonie tournée vers Sarajevo en guerre. Et le tableau sur les pictos du Japon mais juste parce que ça me donne envie d’apprendre la contrebasse. Le truc de la Reine avec James Bond et voilà. Quelques allumages de flamme aussi comme le tireur à l'arc de Barcelone ou celui de Mohamed Ali ou Cathy Freeman. A la limite, la symbolique de la dernière personne à porter la flamme, why not. Et puis Thomas Joly s'est fait plaiz et ça a donné le sourire à plein de gens. Je me suis couchée vendredi soir en me promettant de mater ça. 

Aimer cette cérémonie ? De la social-traîtrise !

Et puis samedi, je vois que ça se bagarre dans les timelines. Qu'il suffit de quelques drag Queens pour que tout soit pardonné. Pour que le peuple de gauche applaudissent Macron. Macron, genre le mec qui s'est fait copieusement hué lors de sa prise de parole en mondiovision ? Sans parler des tweets clash distribués à tous les Ministres qui essayaient de se la jouer cool ? Niveau opération redorage de blason, on a fait mieux. Par contre, la France s'est racheté une image de pays fier de sa diversité. Image qui change de la giga cata du spectacle vieillot et réac de Dujardin, unanimement moquée. Ou de le version idealisée “White bourgeoisy” d'Emilie in Paris. Certains ont râlé de cette idéalisation de cette France cosmopolite. De cette mise en avant des talents issus de diverses minorités quand on sait à quel point la France ne leur fait pas de cadeau. C'est vrai. Mais…

Du coup, on choisit le silence ?

Mais la pureté militante annihile toute volonté d'expression à partir du moment où tout n'est pas parfait. Un vrai handicap à gauche sur tous les sujets où on va exiger un niveau de pureté très élevé, ne tolérer aucune erreur. On ne croit pas au changement d'avis, à la maturité. A la sincérité d'une démarche parce qu’on y voit toujours un calcul. Un pink/green/color washing intolérable. Alors oui, y en a du color washing. A balle. Les constructeurs auto ou compagnies aériennes qui racontent qu'ils plantent des arbres, ça me fait vriller. Surtout que le geste n'est pas si bénéfique que ça. Mais faudrait voir à doser.

Une cérémonie qui revalorise Macron ? Vraiment ?

Déjà, cette cérémonie n'est pas celle de Macron. Vu le virage assumé de Manu Mac à droite, je ne crois pas que les drag queens et les “injures faites aux chrétiens” (alors que non…) soient un bon plan pour lui. Même le rappel de la révolution française et de la façon dont on a traité les monarques fut un certain temps…. Bien sûr que la France n'est pas aussi multiculturelle et tolérante que ce qu'on a vu vendredi soir. Mais a-t-on le droit de rêver cinq minutes ?  D’admettre que ce n’est pas parfait mais que ce n’est pas si mal ? Ça me rappelle la sortie de Barbie, l’an dernier, où j’avais déjà soupiré de cette pureté militante. Mais oui, Josephine, tu es meilleure féministe que les autres. Et toi, tu as bien compris qu’il ne pouvait rien exister de moins radical que le Scum manifesto car tu es une vraie. Un peu la même remarque sur celles qui ont hurlé que Pauvres créatures était un film pédophile. Diantre, il a dû vous échapper que les hommes qui prétendent abuser de la candide Bella ne sont pas au courant de sa particularité… 

Puisque la cérémonie devait avoir lieu...

Nous avons besoin de représentations. Oui, nous avons besoin de voir qu’une jeune femme noire chantant sur des rythmes afropop avec son propre langage peut être la superstar d'un show mondial (même deux, d’ailleurs) et qu'elle peut sortir de l'académie française pour aller chanter avec la garde républicaine. Oui, nous avons besoin de scènes hautes en couleur avec des drag queens, des femmes et des hommes qui ne font pas la taille mannequin. Bien sûr qu’on pourrait trouver que tout ça est un peu placé au forceps, “que la France n’est pas si inclusive”. Mais qu’attend-on pour faire le premier pas, en fait ? Puisque cette cérémonie d’ouverture devait avoir lieu, ne pourrait-on pas admettre qu’on aurait pu avoir pire ? Plus white, plus conventionnel ? Y a qu’à voir comment ça s’étrangle à droite pour se dire que, quand même, ça n’a pas été qu’un coup d’épée dans l’eau. 

Ne pas rater l'occasion de montrer une autre France

Mais il faut toujours que certains s’imaginent voler au-dessus de la mêlée, nous arrosant de leur condescendance et de leur mépris. “Ah, il suffit d’un peu de paillettes et de trois drag queens pour que vous deveniez fan de Macron”. Vous avez fumé ou bien ? Macron, on le huera encore, tous les jours. On lui rappellera qu’il a perdu les législatives et qu’il doit appeler Lucie Castets comme Premier Ministre. On lui attrapera la chemise à la moindre occasion. A lui comme à ses ministres “démissionnaires”. On lui rappellera aussi que ce spectacle n’était pas le sien. Qu’il ne correspond pas à ses valeurs et on ne le laissera pas en prendre un gramme de mérite. Juste que des fois, on peut se dire qu’un pas, même maladroit, c’est toujours un pas. A jouer la pureté militante, on perd nos voix, nos représentations. Et elles comptent, surtout au vu du climat ambiant. 

Et spoiler : vous la jouer plus intelligent que les autres, moins “dupe” ne vous élève pas au-dessus des autres