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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Le travail rend malheureux

Publié le 12 Novembre 2024 par Nina in Le travail est une humiliation, Travail toxique, Ma valeur

Ciel ! J’écris quasi chaque semaine des articles pour dire que le travail est un agent toxique de nos vies et je réalise que je n’ai jamais parlé de cet affect. Le travail rend malheureux. Voilà. Pourquoi je dis ça ? Parce que le monde du travail est le temple de l’injustice, de la sacralisation des médiocres. Ca et la politique mais c’est pas mon sujet du jour. En ce moment, je parle peu de politique car si je m’exprime avec toute la colère qui est mienne, on va me jeter de l’eau bénite et me coller un crucifix sur le front en me hurlant dessus en latin. Donc aujourd’hui, analysons : pourquoi le travail rend malheureux ?

Le travail rend malheureux

J'ai cru en la méritocratie

J’ai grandi dans cette croyance folle que l’on récolte ce que l’on sème. Au sens positif et négatif. Ce qui impliquait l’idée que si tu travaillais correctement, tu aurais des récompenses alors que si tu ne foutais rien… Ce doit être la faute de mon instit de CE1, Mademoiselle Villemagne, qui nous donnait une petite image Panini à chaque A. Au bout de 10, on avait un poster. Sauf que la vie est bien plus difficile qu’une classe de CE1, même gérée par une vieille mademoiselle qui donnait des coups de règles sur le bout des doigts. Le monde du travail est à l’image de la société : injuste.

La fatigue d'avoir un collègue nul

Un immense sentiment d'ingratitude

Ce qui me frappe le plus, c’est souvent l’ingratitude. Ou comment on se retrouve puni·e malgré tous nos efforts et que parfois, c’est toi le fusible car tu étais sur l’avant-dernier barreau de l’échelle de la responsabilité. Le dernier barreau étant les stagiaires et alternants. Mais quand un gros client est très fâché, on ne vire pas un stagiaire mais un exé plus ou moins junior, histoire de faire plaisir au dit client. Ca, c’est vraiment un truc que j’ai pu observer pendant mes bientôt 18 ans de travail : on est une génération condamnée à vivre au moins un licenciement, une rupture conventionnelle pas forcément à notre initiative ou une fin de période d’essai un peu brutale. Parfois, oui, on a merdé, ça arrive. Parfois, notre ligne excel était juste de la mauvaise couleur. Vraiment, des sorties d’entreprise en fin de (double) période d’essai, j’en ai entendu parler et pas qu’un peu. Parfois pour des raisons économiques assumées. Mais parfois pour des prétextes un peu fumeux. J’ai un pote comme ça qui s’est fait sortir un peu brutalement à la fin de sa double période d’essai, soit 6 mois, parce qu’il “n’était pas au niveau” ou je ne sais plus quelle connerie. Ok mais comment t’as passé 6 mois avec un employé qui ne te convenait pas sans essayer de redresser la barre ? Car vraiment, mon pote a passé six mois sans remarques ni remontrances et un jour “non, tu dégages, t’es pas assez bon”. De quoi ?

Fin de période d'essai

Chercher du travail est une humiliation

Le monde du travail rend malheureux parce qu’on s’en prend plein la gueule pour pas un rond. Déjà, la recherche d’emploi. Le nombre de CV envoyé sans réponses ou accueilli par une réponse automatique. Le week-end dernier, j’ai postulé à un job dont je cochais toutes les cases. J’avais les expertises requises, une expérience dans le secteur. J’envoie ma candidature le dimanche soir. Le lundi midi, message stéréotypé “Bonjour Bartoldi Nina, malgré la qualité de votre profil, nous avons opté pour des profils correspondant plus à ce que nous recherchons”. Mmm, j’ai pourtant toutes les compétences requises et j’habite à 10 mn en vélo de vos locaux, c’est quoi cette salade ? Alors j’ai déjà un job donc ce n’est pas dramatique en soi mais la recherche d’un emploi vire très vite à l’auto-flagellation. Il a quoi mon profil pour que je sois pas prise ? Pourquoi pas moi alors que je suis compétente et sympa, en plus ? Il faut redescendre. Parfois, oui, on s’est loupés. Généralement, on le sait, on le sent. Mais d’autres fois, d'autres facteurs entrent en ligne de compte. Sur cet exemple, précis, peut-être que j’ai trop d’expérience et qu’ils craignaient mes prétentions salariales. Peut-être qu’ils ont pris les 15-20 premiers CVs reçus et je suis arrivée trop tard. Peut-être qu’il n’y avait même pas de poste ouvert, c’est pour donner une bonne image à de potentiels investisseurs. Ca aussi, c’est une réalité.

Chercher un emploi

Et puis les managers toxiques

Et puis, une fois en poste, la loterie continue. Déjà, si vous avez un manager incompétent et/ou toxique, y a des risques que vous vous en preniez plein la gueule gratuitement. Parce que vous briser est une façon de vous soumettre. J’ai vécu ça avec Michel le toxique qui me sortait sans pression “c’est débile ce que tu as fait”. Débile, la force du mot. Une Vanessa qui taclait les autres en permanence sur leur orthographe alors qu’elle-même, bof… J’avais une manager qui m’avait prise en grippe aussi parce que je ne lui racontais pas ma vie. Quoi que je fasse ou que je ne fasse pas, je m’en prenais plein la gueule. Quand elle a mis fin à ma période d’essai au bout de 6 mois, j’étais d’abord en stress puis soulagée. A l’époque, je n’avais pas les moyens d’assumer une période de chômage sans revenus, je pouvais pas claquer la porte de moi-même. Et j’étais en plein doute existentiel, je me trouvais nulle à chier, incompétente, surtout que je sortais de Pubilon.

le doute au travail

Le client est roi

Et puis, selon ta structure, tu peux avoir à faire à des clients. Mon cauchemar vu qu’ils vont te reprocher un peu tout et n’importe quoi. Là, par exemple, j’explique à un client ce que je vais faire pour booster son compte et j’ai droit à un “oui mais ça fait neuf moi que vous nous proposez toujours des nouvelles choses, on dirait que vous ne savez pas ce que vous faites”. Mais… Quoi, tu préfères que je ne fasse rien ? Ne me tente pas, déjà que je peux plus t’encadrer… Les clients, tu vas en avoir des justes. Des qui reconnaissent les efforts et qui vont te faire des reproches justifiés si besoin est. Oui, parce qu’on n’est pas toujours parfaits. Le souci, ce ne sont pas les reproches, remarques ou mécontentements… à partir du moment où ils sont légitimes. Là où je vrille, c’est quand des gens qui ne connaissent rien à un sujet, n’ont pas envie de connaître mais décrètent que ce que tu fais, c’est mal. Souvent, c’est parce qu’ils veulent virer l’agence ou qu’ils sont persuadés que tu essaies de les arnaquer. En général, les gens qui croient toujours que les autres essaient de les arnaquer n’ont jamais le cul propre. Le souci, c’est que le client, c’est lui qui fais tourner la boîte. Certains sont de purs trous du cul. Cf le Roi de la fenêtre qui appelait la boss de l’agence pour dire que plus personne ne lui parlait depuis un mois alors que je l’avais eu au téléphone trois jours plus tôt. On en arrive souvent au point où le salarié crève d’envie que le client se barre mais ne peut pas le dire car, hé, le client est roi. Tellement roi que j’ai connu des camarades tombés au champ d’honneur pour faire plaisir au client. Les fameux fusibles.

Faire sauter le fusible

Je n'ai jamais été politique

Et puis évidement, le monde du travail est injuste parce qu’il couronne plus facilement les incompétents politiques que les besogneux. Ma carrière aurait sans doute été plus flamboyante si j’avais un peu plus participé aux afterworks, été pote avec machin ou machine mais… j’ai toujours préféré mes soirées entre potes ou en pyjama à regarder des séries ou autre. Je me souviens d’une soirée que j’avais décliné avec cette excuse “ah, ce soir, je peux pas, j’ai piscine”. Ce qui était vrai, j’avais vraiment prévu d’aller à la piscine. Après, je n’ai aucun regret vu que j’accorde plus d’importance à mon bien-être personnel qu’à ma carrière. Mais parfois, quand tu vois que tu n’es jamais l’heureuse élue à l’heure des promotions, tu finis par te demander ce que tu vaux, professionnellement parlant. 

Ne pas obtenir de promotion

Tu peux si vite perdre pied

Et c’est là que le travail rend malheureux. Parce que tout cette toxicité ambiante, ce Game of thrones permanent auquel tu ne voulais même pas participer, ça brise. Selon où j’en suis de mon cycle mensuel, je peux passer d’un “j’assure grave” à un “je suis une petite merde dans la moindre valeur, même écrire un mail, je suis pas capable”. A noter : le jour où tu galères sérieusement à écrire un simple mail, que tu le fais en ayant la boule au ventre, tu t’arrêtes. Une ancienne collègue m’avait raconté ça, un jour “j’étais devant ma boîte mail et j’ai mis littéralement 45 mn à envoyer un mail qui donnait juste un numéro de téléphone. Le soir, je suis allée chez mon médecin me faire arrêter 10 jours”. Et elle avait raison. Si tu bugues sur un mail aussi simple et sans engagement que ça, c’est que tu es déjà dans la zone rouge et faut arrêter les frais immédiatement. Je me souviens de mon (bref) passage chez Sunlight où on m'avait jeté sur un levier que je maîtrisais mal en mode “t’inquiète, on t’apprendra”. Au bout de trois mois de pure souffrance à ne pas me sentir légitime et à avoir l’impression de ne faire que de la merde, j’ai démissionné. J’étais tellement en stress que j’avais des symptômes physiques chelous genre les lèvres qui fourmillaient en pic de tension. Ce court job m’a bousillée ma confiance en moi parce que je me pensais sincèrement nulle alors qu’on m’a juste jeté au milieu de la piscine sans brassard et démerde-toi. Fun fact : aujourd’hui, je consacre mes journées à faire ce que j’ai appris chez Sunlight et je ne m’en sors pas si mal. Sauf client qui fait semblant de piner des trucs alors que non.

La mauvaise foi

La sacralisation des médiocres

Le travail rend malheureux parce qu’on est broyés un peu pour rien. Parce qu’on n’a pas eu envie de raconter sa vie. Parce qu’un client est con mais rapporte de la tune. Parce qu’à un moment, il faut bien que ça tombe sur quelqu’un et ça pouvait pas être sur les directeurices. On subit des violences et humiliations chaque jour ouvré parce que c’est le prix à payer pour (sur)vivre et qu’on n’a pas eu la chance de naître rentier. Le monde du travail, c’est finalement la sacralisation des médiocres. Pendant qu’on trime, y a un Robert qui se fait payer 15 jours dans l’autre hémisphère pour “aider” notre antenne sur place. Alors que dans la vraie vie, tous les directeurices de ma boite investissent une bonne part de leur énergie à tenir Robert éloigné des dossiers pour pas qu’il gâche tout. Par contre, la couleur est annoncée : nous, on n’aura pas d’augmentation. Sinon, y a Elon Musk qui est classé parmi le top 20 des joueurs sur Diablo IV . D’ailleurs, faut que j’aille acheter le livre de Colombi sur ceux qui travaillent vraiment… Parce que le monde du travail, c’est souvent ça : ceux qui triment et trinquent, ceux qui pilotent et n’ont aucune idée de ce qu’ils font. La différence entre les deux tient souvent à peu de chance. Une meilleure naissance, un bon capital familial ou encore le bon genre. Car les boys club… Oui parce qu’ok, je ne faisais pas les afteworks mais quand ces derniers avaient lieu au Pink Paradise, je n’étais de toute façon pas la bienvenue. 

le phénomène boys club

Difficile d'ignorer quand tu passes la moitié de ton temps au taf

Le plus simple serait donc de ne pas trop se miner sur la perception que l’on a de nous au travail. Parce que oui, des fois, on se rate. D’autre fois, on n’a juste pas capté les règles du jeu. D’autre encore, on n’a juste pas de chance : le mauvais client, le CV envoyé trop tard. Je suppose même que certain.es ont parfois raté un job car ils avaient mis leur date de naissance sur leur CV et la personne en charge du recrutement n’aime pas les balances ou les scorpions.  Parfois, comme chez Epicea, tu dégages un alternant pour y foutre la petite amie du copain de madame. Vraie histoire. Parfois, oui, c’est toi qui n’a pas été  la hauteur. Mais d’autres fois, ça n’avait rien à voir. Le problème, c’est que 1/ comment le savoir et 2/c’est bien gentil d’inviter au recul mais on parle de quelque chose qui occupe la moitié de votre journée. Oui parce que si je bosse en moyenne de 9h à 18h, dans les faits, je pars vers 8h15 et rentre littéralement 11h plus tard chez moi. Et mon cerveau ne déconnecte pas instantanément. Dès qu’il y a une couille, je pars dans une boucle émotionnelle, je rumine, je rumine. J’ai beau me dire que je m’en fous de ce qu’on pense de moi dans une boîte encore bien toxique et peu juste, ce n’est pas si vrai. Déjà parce que je n’aime pas m’en prendre plein la gueule.

Ne pas se laisser atteindre par le travail

Un miroir déformant

Bref, le travail rend malheureux parce qu’il est un miroir déformant nous renvoyant une image plutôt laide de nous-mêmes. Parce que si vos succès sont célébrés, vos erreurs sont d’autant plus exacerbées, mises en lumière. Surtout à l’heure où on décidera de vous dégager


 

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