Ah, le monde du travail et ses brillants mythes. Il y en a un que j’aime beaucoup, c’est celui de l’implication et de la reconnaissance. Le patron est toujours, dans ces cas-là, une figure bienveillante qui a à coeur le bien-être de ses salariés qui font comme partie de la famille. Mensonge ! On est là pour faire du fric et même si des lien conviviaux, presque amicaux, se tissent, ils ne pèseront pas lourd face à la question de l’argent.
Anatomie d'une entreprise lambda
Evidemment, quand je dis ça, on pense tous au directeur ou la directrice qui traîne dans les couloirs depuis des années, payé en gros K€ alors qu’iel est nul·le. Ah oui, je me contredis d’entrée de jeu ? Non, je mets de la nuance. Plus une boîte est grande, plus on va croiser d’archétypes. Des potes du patron payés à ne rien faire, des gens posés là depuis des années qui ont compris les rouages de la boite et savent se placer comme il faut. Quelques énormes fumistes qui n’en foutent pas une ramée mais ne feront pas long feu. Et la masse des salariés, ceux qui font leur travail correctement, parfois même avec un supplément d’âme en espérant en tirer quelques bénéfices.
L'abnégation pour essayer de choper un truc
Quand il y a des débats sur l’implication au travail, il y a toujours ceux qui défendent ceux qui en font plus, voire trop. J’en avais parlé pour la fable de la stagiaire qui travaille jusqu'à 2h du mat : “ouais mais si elle veut bosser tard, c’est son droit”. Certes sauf que nous sommes dans un rapport de domination et marchand, aussi. Un·e stagiaire aura à coeur de bien faire parce qu’iel espère quelque chose derrière. A (très) minima une recommandation mais pourquoi ne pas rêver d’un contrat freelance, un CDD voire un CDI ? Ou accéder au réseau de la personne qui pèse dans la boite afin de trouver un job. L’abnégation, la fable de la passion, c’est bien joli mais… qui est réellement passionné par ce qu’il fait dans le domaine du tertiaire ? Même les métiers les plus créatifs. Tu as du talent pour le dessin, la photo ou la vidéo, tu te retrouves à faire des illustrations moches pour une marque institutionnelle sur Facebook ou LinkedIn. Qui signerait pour ça, objectivement ?
Contracte toutes tes ambitions
Mais faut bien bouffer. Après, il est possible de trouver un réel intérêt pour ce que l’on fait, une vraie passion. Mais là encore, il va falloir dire les termes. Tu ne dois rien à ton patron de plus que ce qui est sur ton contrat. Tu veux en faire plus ? Ok mais il va falloir contracter un peu tout ça. Parce qu’on arrive direct sur la légende urbaine que le travail, ça paie. Bullshit. Enfin, pas dans cet univers là. Storytime : au bout de 2 ans dans la boite avec Vanessa la manipulatrice, j’ai demandé une augmentation. Enthousiasme de ma N+1 (pas Vanessa) “ah oui, oui, tu mérites. Tu as bien progressé, super, bla bla bla”. J’ai eu… roulement de tambours… 100 € brut de plus par mois. 2,85% d’augmentation en deux ans… Et bah, heureusement que je méritais, ça aurait été quoi sinon ? Ils m’auraient diminué mon salaire ? Certes, à l’époque, j’ai raté le volet politique. Je n’ai pas mis en scène mes succès, mon travail. Vs une Vanessa qui était objectivement nulle et n’avait pas la moitié des compétence des autres membres de l’équipe mais avait un talent incroyable pour la manipulation. Moralité : si tu as des ambitions, assure-toi qu’elles sont visibles et que la progression est déjà prévue.
Si je te récompense, tu vas te relâcher
Sinon, pense d’abord à toi. Tu as envie de t’investir dans ton métier ? Fais-le là où ça va te rapporter. Lance-toi en free par exemple. Parce qu’il ne faut pas oublier que la personne qui bénéficie en premier lieu de ta force de travail, c’est le boss. Et il peut se montrer reconnaissant, même en monnaie sonnante et trébuchante mais ce n’est pas forcément ce que j’ai pu observer dans ma carrière. Souvent, la reconnaissance, c’est médaille en chocolat et vagues promesses. Parce que tu comprends, les salariés, si tu leur donnes ce qu’ils veulent, ils se relâchent. Le boss, il a plus intérêt à garder un bosseur ou une bosseuse sous pression pour qu’iel continue à produire. J’avais connu ça dans une boite : les mecs de l’équipe n’en branlaient pas une donc on les mettait “en stratégie” pendant que les bonnes soldates bien organisées restaient en opérationnel à chier de la kilotonne de statuts Facebook. Parce que nous, on était fiables. Heu, y a pas une petite arnaque, là ? Cependant, sur ce taf là, j’ai eu droit à 2000 € d’augmentation au bout d’un an alors que j’avais même pas évoqué la question.
Si c'est pas écrit, ça n'existe pas
La vérité, c’est que s’investir quand vous ne maitrisez pas les bails, ce n’est une sécurité de rien. Ni de promotion, ni d’augmentation. Pas même de sécurité de l’emploi. Parce que les directeurs “pote du patron”, de mon deuxième paragraphe, ils sont toujours bien placés dans les charrettes de départ en cas de gros client perdu ou de pandémie qui met l’économie K.O. Pire : vos bonnes années de service ne pèseront rien si vous n’avez plus la côte ou la forme. L’entreprise est là pour faire du fric. Votre expertise ne rapporte plus rien ? On va vous mettre sous perf quelques temps pour voir mais à un moment, s’il faut écrémer les lignes excel, vous sortez. C’est ainsi que dans la vague de départ lors de mon deuxième passage chez Vinyl, il y avait une consultante qui bossait là depuis 12 ans, un directeur artistique là depuis 18 ans, un directeur conseil ou commercial, là depuis une bonne décennie, aussi. Ca dégage. Le jeu, ma bonne Lucette. Sauf que le jeu devient particulièrement pervers quand intervient… le pépin de santé. On n’y pense pas forcément quand on est jeune mais un accident, quel qu’il soit, est vite arrivé. Ou un burn-out. Imagine le comble : tu te crames la santé, tu mets du temps à t’en remettre et voilà ta ligne excel en rouge. Parfois, les patrons sont compréhensifs mais souvent…On t’aime performant,, impliqué plus que de raison, point. Demande à Robert qui a essayé de me faire chialer sur le cas d’un salarié qui a failli “couler la boîte” à cause de problèmes de santé et un départ de la boîte qui a fini aux Prud’Hommes. Vu comme tu es border, Robert, je vais avoir du mal à croire que tu es la victime de l’histoire.
La bonne parole ne vaut rien
Bref, il faut choisir où on investit ses forces et n’oublie pas que le jeu n’est pas égalitaire. Si tu veux développer tes compétences ou faire évoluer, ne le fais pas gratuitement. Passe tout par écrit, ne te repose jamais sur la bonne parole de tes managers. Et n’oublie que le passé ne compte pas. J’en ai vu, des gens, partir parce qu’un client exigeait un fusible. Et le fusible, ce ne sera jamais un N++ mais toujours un exé.