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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

L’humour, ce sont les dominants qui le dictent

Publié le 20 Mai 2025 par Nina

De temps en temps, je me pique de déménager quelques articles des vingtenaires pour les redispatcher sur mes différents blogs. Et parfois, je découvre que j’avais écrit une phrase, parfois un paragraphe, qui contient une idée intéressante que je n’ai jamais détaillée dans un article dédié. Donc en 2016 (...), j’avais écrit un article sur les femmes qui se font insulter en ligne. Et au détour d’un paragraphe, je parlais d’humour oppressif et du fait que l’humour était dicté par les dominants. Hé mais super intéressant, ça. 

Rire entre amis

L'humour, ce n'est pas drôle pour tout le monde

Etant d’un naturel joyeux, je suis plutôt cliente de l’humour. Comme dirait Karine Lemarchand, “j’adore rire”. Cependant, je suis plutôt cliente d’un humour inclusif qui ne blesse pas. Parce que l’humour est une arme, voyez. Il peut servir soit à dénoncer des systèmes ou, au contraire, renforcer des oppressions par le biais de clichés. C’est toute la veine des blagues sur les blondes. Visant spécifiquement un groupe de femmes immédiatement identifiés comme futiles et superficielles, tout l’univers des “bimbos” comme on disait à une époque, on s’attaque à une féminité trop consciente de ses atouts. Puisqu’elle est belle, on ne peut la soumettre qu’en admettant qu’elle est crétine.

Humour méchant

Les héroïnes de téléréalité sont-elles si stupides ?

D’ailleurs, beaucoup de créateurs de “contenus”, sur les réseaux sociaux surfent peinards sur la connerie, réelle ou supposée, des infliuenceuses ou des candidates de téléréalité. Ah, on a bien ri quand y a une fille qui a dit “peut pas y avoir qu’une Lune, c’est statistiquement impossible”. Quelques années plus tard, elle déclare l’avoir fait exprès, que ça lui a rapporté une hype instantanée. J’ai pas d’avis là-dessus vu que je ne connais pas cette personne et je n’ai pas vu l’émission. Après, elle a temporairement raison. A un moment, j’avais une croyance assez solide sur Nabilla. J’étais persuadée qu’elle se foutait de la gueule du monde, qu’elle faisait exprès de passer pour une simplette tout en ramassant los dineros derrière. Bon, si j’ai raison, elle n’a pas fait son coming-out “intelligent”, dirons-nous. Cependant, il a été dit à plusieurs reprises que Loana avait un QI élevé. Là encore, aucune idée et : le QI est une mesure discutable, déjà. Ensuite, on confond trop souvent culture et intelligence. Et reprocher à quelqu’un son manque de culture est souvent un réflexe classiste qu’il faut abandonner.

Les blondes ne sont pas si idiotes

Clasher son public et se vautrer dans les -ismes

Penchons nous sur l’humour de société. Qu’est-ce ? Toute la ribambelle de sketches qui croquent des tendances, des situations un peu simples qu’on a tous plus ou moins vécues. C’est un peu l’humour en vogue dans les années 80, genre Muriel Robin. L'humour Bacri-Jaoui,voyez ? Je sais pas s’il y a encore beaucoup d’humoristes de ce genre. Moi, je vais voir que les gauchiasses sûrs donc bon… Par contre, y a la tendance start-up qui commence à parasiter tous les spectacles. “Bon, je vais écrire quatre sketches et le reste, ça va être des interactions avec le public”. Très bonne idée, Mickaël, comme ça, t’es sûr de taper direct dans, au hasard : le sexisme, le classisme, la psychophobie. La grossophobie, en général, elle est plutôt côté sketches. Le racisme aussi mais avec un peu plus de set-up genre “roooh, ça va, je déconne, je ne le pensais pas” ou un “moi, je suis trash”. Oui, tellement trash que tu reprends les vieux sketches hype éculés. Quand au “on ne peut plus rien dire”, je vais me répéter mais : “tu peux tellement rien dire que tu viens de le faire…”

Audience de stand-up

On ne se moque guère des CSP+

Vous savez qui est épargné par l’humour ? L’homme blanc cishet CSP++. Le dominant. A de rares exceptions près, genre Chatillez et encore, le Bourgeois n’est que peu égratigné. Aujourd’hui, je parlerais même plus précisément du “Capitaine d’industrie” ou de l’entrepreneur. L’humour autour des Vincent Bolloré ou Bernard Arnault se concentrent plus autour du système autocratique qu’ils mettent en plus que sur leur personne. Et faites une blague sur Bolloré ou Arnaud, vous aurez le troupeau de chiens de garde pour chialer qu’en France, “on aime pas la réussite”. La réussite d’être née dans la bonne famille, tu veux dire ? Les chiens de garde, justement. Typiquement, ceux qui vont crier à la jalousie dès que tu vas sortir une vanne sur le sacro saint Homme blanc cishet bourgeois mais qui, en parallèle, vont distribuer les mauvais points aux humoristes féminines, racisé•es, de gauche. Le classique “les femmes ne sont pas drôles”, proférés en général par des hommes vexés parce qu’elles ont fait une vanne sur le salaire des hommes ou sur la taille de leur pénis. Un fois de plus, le “on ne peut plus rien dire”, la cancel culture, elle frappe jamais ceux qui s’en hurlent victimes, hein. Quand on voit ce que se bouffent les humoristes de gauche et féministes, faut être solide pour poursuivre…

Des femmes clown

Kaamelot, la quintessence de l'humour mec blanc cishet

L’humour est globalement dicté par ceux qui ne le subissent pas. Ou ceux qui ont leur petite armée pour pouvoir le contrer. Prenons Kaamelot. Dans Kaamelot, tous les personnages sont ridicules sauf Arthur. Astier a littéralement créé un univers qui pourrait se résumer à “surrounded by idiots”. L’egotrip, quoi. Il tape sur les femmes qui sont soit stupides (Guenièvre), vénales (Mevanwi) ou vieilles aigries (Dame Sulli). Même les femmes puissantes de la légende arthuriennes comme Morgane ou Viviane sont vite ridiculisées ici. Les personnages masculins sont globalement incultes (classisme), violents ou, à l’inverse, chochottes. Ah, le personnage de Bohort… Mais non, vas-y, c’est pas de l’homophobie, il a une femme pour de vrai. Du coup, on peut trop se moquer de sa fragilité puisqu’il n’est pas homo, ahahah. Les étrangers sont barbares, gras, sales et personne ne les prend au sérieux. Aucun personnage n’a droit à sa scène d’émotion, sauf Arthur. La seule scène où Guenièvre sort de son personnage de dinde, c’est quand elle parle à Arthur dans la dernière saison après son suicide. Kaamelot, c’est la quintessence du “je suis pour toute forme d’humour sauf celles qui me concernent”. Parce qu’allez faire une vanne sur l’ego d’Astier et préparez-vous au harcèlement violent de ses fans, sans que sa Majesté ne daigne calmer le jeu. Vous l’avez critiqué, bien fait pour vous. 

Bohort est amoureux des fleurs

La caricature trop répétée est intégrée comme une vérité

L’humour est un enjeu très important car il ancre des stéréotypes. La blonde débile, le beauf-tuning, le Noir feignant, l’Arabe dragueur ou racaille, le jeune de banlieue qui parle forcément en mode “wesh”. Alors que je l’entends dans les rues de Bordeaux, wesh, plutôt par des Timothéo, voyez. Ah oui, la caricature, ahah. Sauf que la caricature répétée ad nauseam, ça finit par ancrer quelques certitudes. Moi-même, j’ai des réflexes humoristiques discutables. Notamment sur la psychophobie où j’associe beaucoup de gens à la “folie”, mot générique bien pratique qui n’a pas beaucoup de sens en soi. Après, voir qui est défendu quand on fait des vannes, c’est un indicateur, aussi. Genre le jour où Hanouna sera tombé de son piédestal et que tout le monde, y compris les humoristes les plus mainstream, viendront se foutre de sa gueule, c’est vraiment que ce sera la fin. J'ai hâte.

 

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