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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Car je n’étais qu’une ligne excel sur un tableau comptable

Publié le 18 Juillet 2023 par Nina in Le travail, Le travail est une humiliation, Fin de période d'essai

Et on repart sur un article “Nina contre les forces du mal du monde du travail”. Et j’ai perdu un combat, les amis. Pas de nouvelle série cette fois-ci, un article suffira. Car j’ai été lourdée à la fin de ma période d’essai. Parce que j’ai mal travaillé ou parce que j’ai fait une bourde ? Même pas. Juste qu’il a fallu faire des économies et comment faire des économies rapidement et à moindre frais ? Dégager les salariés en période d’essai ! C’est cool, à chaque taf, je rajoute un cas dans ma collection de jobs nuls et/ou toxiques. Cette fois-ci, point de patron tyrannique, de managers toxiques ou de dirigeants immatures, non. Là, j’ai juste été une variable d’ajustement.

Suivi de budget

Une dépense inutile

Petit résumé rapide pour ceux qui ne me lisent pas par ailleurs. Février, je cherche un emploi et j’ai une touche dans une de mes anciennes boîtes. Sur le papier, le scénario est idéal : je vais pouvoir faire mes premières armes de data analyste dans une boîte qui me connaît déjà et qui va pouvoir me faire confiance. J’hésite un peu car j’avais connu une période de longue inactivité là-bas (après l’épisode de Michel le toxique) et j’avais peur de l’inactivité. Mais non, y a plein de trucs à faire, me dit-on,et en plus, on te donne un salaire parisien. Allez viens ! Bon bah finalement, y avait rien à faire et les gens payés à ne rien faire, on les sort. Même s’ils ont fait preuve de bonne volonté et n’ont pas eu peur d’aller chercher du taf dans les BU voisines. Vous savez, ces périodes de vaches maigres où vous épluchez votre relevé bancaire pour voir quel abonnement à la con ou quelle dépense superfétatoire vous allez faire sauter ? Et bah j’étais la dépense superfétatoire. J’adore ce mot, oui.

Résultats comptables

Un départ qui ne passe pas bien

Curieusement, mon départ fait chier pas mal de gens. Curieusement parce qu’en quatre mois, j’ai pas trop tissé de liens. Surtout pas avec mon équipe basée pour la plupart d’entre eux dans la même ville et qui ne semblaient pas très intéressés à l’idée de me connaître. Pour dire, j’ai noué plus de relations avec un mec d’une autre agence lors de ma dernière semaine qu’avec la moitié de mon équipe en quatre mois. Mais y a des gens qui auraient bien aimé m’avoir dans mon équipe genre le chef du pôle data que j’avais contacté pour savoir s’il pouvait me donner du taf. Mon chef parce qu’humainement, il a galéré à gérer mon départ. Pour tout dire, l’annonce de mon départ s’est fait en visio avec mon chef et mon N+2 et quand la sentence est tombée, mon N+1 a eu une réaction physique tellement marquée que j’ai failli lui envoyer un message pour le consoler. Moi, la fille qui se fait virer. J’ai vraiment des trucs à régler quant à mon empathie dans le monde du travail, ayeeeee. Mon chef qui a dit lors de l’annonce de mon départ à l’équipe “Nina ne part pas à cause d’un manque de compétences. De toute façon, elle n’a pas eu le temps de démontrer quoi que ce soit”. Mais surtout, mon départ signifie clairement que l’heure est à l’écrémage strict. Parce qu’autant j’avais bien noté que j’avais rien à faire, autant je pensais pouvoir faire ma deuxième période d’essai. Même pas. Pire, mon départ a été décidé par les hautes instances, aka des gens que je n’ai jamais eu l’occasion de croiser. Une ligne sur un excel, ni plus, ni moins.

Excel

Sacrifiée car les têtes pensantes conduisent n'importe comment

Le message est donc clair : on est là pour faire de la maille. Mon embauche avait lieu dans le cadre de la reconstruction d’une agence digitale intégrée dans une ESN. Ca, c’est sur le papier parce que visiblement, personne ne sait ce qu’est une agence digitale dans les hautes sphères et le seul indicateur qui comptait, c’était le taux d’emploi. Le mien devait être à 10% les meilleurs mois. Donc couic couic. Sauf que cette nouvelle réorg’ a été lancée en janvier et on coupe des têtes dès juin. Et pas que la mienne, ça a valsé au dessus de moi, aussi. C’est là qu’on rentre dans l’absurde du monde du travail et son manque total d’humanité. On lance un truc, on veut de la maille de suite, sinon… Dans mon “malheur”, j’ai la chance de ne pas avoir quitté de job pour rejoindre cette boîte. J’ai beau avoir rejoué le film plusieurs fois, rejoindre cette boîte était un choix raisonnable. Je pense même qu’à savoir la fin de l’histoire, j’aurais quand même décidé d’y aller pour ramasser un peu de money et j’aurais profité de l’inactivité pour avancer sur mes révisions data. Oui parce que le bore-out m’a surtout conduite à me noyer dans les mini-jeux en ligne et faire un peu de Powerpoint art. Et regarder beaucoup de streams Twitch, aussi. Au moins, je me suis un peu cultivée, toujours ça de pris. Bref, je n’ai aucun regret mais je me ramasse un agacement de plus.

Je suis indifférente

Traite-moi comme une Humaine et je te le rendrai

Clairement, plus jamais je ne vais dans une boîte gérée par des fonds d’investissements. J’ai déjà eu la même merde chez Epicea où on faisait des business plans irréalistes pour faire plaisir aux actionnaires. J’ai quitté cette boîte des enfers avec des objectifs que tout le monde savait inatteignable. Sauf que qui aurait été virée pour ne pas avoir atteint l’impossible ? Moi. Clairement. On fait des plans absurdes en promettant la Lune et quand on se rend compte qu’on ne parviendra jamais à faire décoller la fusée, on sacrifie les ingénieurs. Alors même qu’ils avaient clairement dit que ça ne pourrait pas marcher. Les patrons n’arrêtent pas de chialer que les salariés ne sont plus aussi impliqués, qu’ils ne veulent plus se tuer pour leur boîte. Mais comment tu veux que je m’implique alors que je sais parfaitement que je suis un fusible ? Ou une ligne excel à effacer d’un clic pour avoir des moyennes plus potables ? Vous ne pouvez pas en appeler à l’humanité de vos salariés si vous les considérez vous-mêmes comme des pions. Des ressources dont on se débarrasse pour avoir un excel plus sympa. 

Monopoly

Un storytelling qui ne tient pas la route

Mais surtout, ça casse totalement le storytelling de l’entreprise. Ah, le storytelling des entreprises, y aurait un bouquin entier à écrire sur le sujet. Vous savez, ce que vous voyez dans les annonces à base de “entreprise à taille humaine”, “équipe bienveillante”, “y a un babyfoot et des team buildings”. Alors déjà, quand je vois bienveillant sur une annonce, aujourd’hui, c’est limite un red flag pour moi. Peut-être parce que c’était le grand mot d’Epicea. Jamais connu une boîte aussi toxique (quoi que Pubilon…) mais vas-y, on est bienveillants… Quant au babyfoot, je n’y joue pas et les team buildings, ça me grille juste un week-end que j’aurais préféré passer avec mon mec. Bref, les annonces, c’est beaucoup de flan pour se donner une image, créer de l’attractivité. Dans ma boîte, c’était ça, le projet. Regardez, on casse les silos, on refonde tout, on va faire de belles choses. Et six mois plus tard “non, en vrai, on s’en fout. Faut juste vous placer chez le client et fermez vos gueules”. Super. On est des lignes excels. Y a une mise en forme conditionnelle sur la colonne taux d’emploi et si tu passes en rouge, tu vas jacter. Si tu passes en rouge alors que t’es en période d’essai, ça va aller super vite. 

Mise en forme conditionnelle

Une belle famille pourrie

Les entreprises aiment nous raconter que nous sommes une belle famille. Ah oui, une belle famille dysfonctionnelle. Celle qui foutra un enfant dehors sans trop d’hésitation. A un moment, un de mes discours sur le monde du travail était que ma génération (la Y) était celle du licenciement. Je crois que je ne connais personne, dans mon entourage, qui n’a pas eu droit à un fin de contrat un peu violente. Licenciement économique, sortie à la fin d’une double période d’essai (6 à 8 mois) sans que le salarié ait eu d’alertes. Et les ruptures conventionnelles à l'initiative de l’employeur pour un licenciement sans vague. Ni procès aux prud’hommes. L’implication émotionnelle qui est demandée, réclamée à corps et à cri par les employeurs, ne fonctionne que dans un sens. Le pire, c’est que tous les sacrifices auxquels vous consentirez ne pèseront rien dans la balance à l’heure de vous dégager.

Licenciement

Heureusement, les jeunes ne veulent plus jouer

Bref, heureusement que les millenials ou les Z ont décidé de refaire un peu jeu égal avec les patrons pour leur apprendre un peu la vie… Car nous méritons tous d’être plus qu’une ligne dans un tableur. 






 

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