L'équipe dépressive

J'ai un talent archi-nul dans la vie : ignorer les red flags les plus évidents en me disant que je ne peux pas être prise dans une mauvaise histoire. Alors que ma carrière n'est quasiment qu'une suite de mauvais bails. Je voulais appeler cette série Le déni mais dans l'histoire, le déni a clairement été des deux côtés. De celui de la direction qui refuse de gérer les problèmes mais aussi du mien qui s'est acharnée à se répéter que ça allait s'améliorer. Bouffonne. Parce que j'ai évoqué quelques petits couacs sur la première semaine mais c'était rien par rapport aux suivantes. Notamment en liant des liens avec mes collègues, découvrant une équipe dépressive. Littéralement.

Deuxième réunion d'équipe et gros sanglot

Début de deuxième semaine. Nous avons une réunion d'équipe le lundi à 11h pour bien débuter la semaine. Yeah ! Cette fois-ci, nous avons droit aux deux Caroline, fait assez exceptionnel puisque Caroline N+2 ne se mêle pas de ça. Oh, ça sent l'annonce, ça. Effectivement, Caroline N+2 lance le sujet "Caroline, tu as quelque chose à annoncer." Ah ok, voici donc le fameux congé maternité qui s'annonce. Et effectivement "Oui, effectivement, j'ai rendez-vous chez le médecin qui va sans doute m'arrêter dès ce soir parce que... j'en peux plus !" Et la voilà qui explose en sanglots. Donc on résume la situation : ma N+1 est arrêtée un mois en avance et nous l'annonce dans un déluge de larmes. Son bras-droit est arrêté pour la deuxième semaine consécutive pour une mystérieuse raison. Je crois que ça aurait été le bon moment pour demander la fin de ma période d'essai. Mais pour une raison que j'ignore, je m'étais racontée que Julie avait été arrêtée suite à une fausse couche alors que pas du tout. Sans doute à cause du voile de pudeur autour de ce mystérieux arrêt. Tu m'étonnes qu'ils m'aient baladée sur le sujet. Alors que Caroline pleure, Benoît prend la parole en lui promettant qu'elle pouvait partir tranquille, que tout se passerait bien en son absence. Benoît, je l'identifie un peu comme le gars le plus motivé de l'équipe et vu qu'on est en binôme sur trois clients, j'en suis plutôt contente. Les autres réagissent assez peu. Ce que je ne savais pas, c'est que cet arrêt allait marquer le début d'un putain de calvaire pour moi.

Deuxième semaine, première nocturne

Car le reste de la semaine allait être épouvantable pour moi. Je me demande si j'ai pas pleuré un peu, même. Pourquoi ? Parce que Satan. Pour rappel, je ne maîtrise pas la pratique du métier, seulement la théorie, et ça se sait. Le lundi, j'apprends donc qu'il faut refaire toutes les annonces pour Satan car on passe déjà à la première démarque des soldes. Ca ne s'arrête jamais cette merde ? Il faut que les annonces soient live le mercredi matin et Caroline me brieffe... le mardi à 16h. On se partage les marques pour diviser le travail en deux, elle me dit que je peux me reposer sur une freelance qui travaille sur le compte mais la freelance me répond gentiment qu'elle ne fait pas de mise en ligne d'annonce. Et bah super, tu fais quoi alors ? Ah oui, je dois faire un mail de recommandation sur les comptes. Je dois me palucher les deux marques, quatre pays, etc. pour voir ce que je peux proposer pour améliorer les résultats (pourtant très bons, au passage). Je. Est-ce que quelqu'un se souvient que je suis pas experte du sujet ou comment ça se passe ? Et je ne peux pas me reposer sur Lisa qui est en cours pour la semaine. Ah oui parce que c'est l'alternante qui m'a appris le plus de trucs finalement. Donc j'apprends le mardi à 16h que je dois mettre en ligne des tas de campagnes pour le mercredi matin et juste à ce moment-là, qui arrive à l'agence ? Le client Ludéo qui voulait à tout prix me rencontrer. Le client pour lequel je dois respirer, en gros. Ah ok mais vu que Satan m'a déjà pompé l'air, je suis censée faire comment ? Et n'oublions pas le Roi de la Fenêtre qui est fâché. Ce premier rendez-vous, j'en ai assez peu de souvenirs. Il faisait moche, y avait personne à l'agence et le client a cassé un tabouret haut en fer fragile. Il m'a raconté sa vie et ses ambitions, j'ai noté consciencieusement, stressée par ce qui m'attendait après. A savoir ma première soirée de taf hors horaire.

Noyade express

Et ça s'est très mal passé vu que je ne savais pas faire. Je ne sais pas ce qu'a fait Caroline sur la marque un mais rien n'est en ligne ou presque, je dois tout rattraper. Et je ne connais pas le compte, ce qui donne "tu as mis à jour sur Bing ? - Heu... On a des comptes Bing ? Bon, ok, c'est fait. - Même sur le compte UK ? - Heu... on a un compte UK ?". Bref, j'ai tellement passé la semaine à m'excuser que la cliente a fini par m'appeler pour désamorcer la situation. "Oui, j'ai bien compris que c'était pas ta faute". Ah ben merci, madame.

L'équipe de débutants

Vous allez me dire "mais attends, tu sais pas faire, ok. Mais pourquoi tu n'as pas demandé de l'aide à ton équipe ?". Et bien parce que mon équipe, ils ont quasi tous la même histoire. Des "profils atypiques à qui on va apprendre le métier". Quelle blague, putain. En clair, ils en savent à peine plus que moi. Hors Julie en arrêt, celle qui maîtrise le mieux, c'est Lisa l'alternante. Arnaud est censé maîtriser aussi mais il s'en bat tellement les c*****. Franchement, c'était quelqu'un que j'appréciais plutôt au global mais dans le boulot, c'était compliqué de l'avoir dans l'équipe. Toi, tu crèves de surcharge de travail et lui, bof, il balance un bonjour dans la discussion d'équipe le matin et va se recoucher. Pourtant, il en a du taf mais il ne le fait pas vraiment. Agnès m'a expliqué un jour qu'après avoir récupéré un des comptes d'Arnaud cet été, elle avait découvert qu'il avait laissé des annonces Black Friday tourner. Quand elle le lui a dit, il a répondu "ahah oui, possible". Ah ben ok.

Celle qui voulait être encore en période d'essai
Agnès, justement, parlons-en. Dès les premières semaines, je suis priée de l'aider sur Facebook car elle ne connaît pas. Ah tiens, un truc que je maîtrise. Youpi ! On s'appelle pour un truc et là, catastrophe, une campagne Facebook qui devait être arrêtée tourne encore. Je la sens en décomposition totale. Bon, après enquête, ce n'était absolu pas sa faute mais je sens qu'elle est hyper tendue. On commence à sympathiser un peu et, à plusieurs reprises, elle me dit textuellement "t'as de la chance d'être en période d'essai, j'aimerais tellement pouvoir y être encore". Nan de Dieu... Et effectivement, ça commence à devenir tendu. Julie est prolongée et je comprends que c'est pas un arrêt "fausse couche", Lisa en a ras le bol et même Benoit que je croyais solide, commence à critiquer de plus en plus ouvertement la boîte. Et surtout Solène et le client Ludéo, ses deux Nemesis.

Un accident et des maladies
Et comme si ça ne suffisait pas, les emmerdes s'enchaînent. On a donc perdu Julie. Agnès part une semaine en vacances et, pile cette semaine-là, Lisa tombe malade. Nous ne sommes plus que 3/6... Agnès revient et me confie qu'elle aurait bien aimé se péter un truc au ski tellement elle n'en peut plus. Elle sera exaucée deux semaines plus tard avec une belle entorse au poignet. Trois semaines d'arrêt. On s'est tous demandé si elle l'avait fait exprès. On est en sous-effectif et les solutions sont... inexistantes. Je fais part de mes difficultés à Caroline, qui a récupéré la gestion de l'équipe sans rien connaître au sujet. "On va trouver des solutions". Bon, c'est comme pour ma licence Office que j'ai fini par payer de ma poche, ça s'appelle botter en touche. Je récupère juste les sessions de Lisa et Agnès avec les consultants de Lyon histoire d'arrêter de passer pour une idiote auprès des clients.

Une tentative de régler les problèmes
Et puis, finalement, une solution émerge. On va tous partir trois jours à Lyon histoire d'accélérer la formation. Ouais ! Et c'est très précisément à cause de ce voyage que je vais prendre une très mauvaise décision...