Comment faire prendre conscience de certains biais de la société aux gens qui s’en foutent un peu ? Dans la droite suite de mon article de la semaine dernière sur les peu impliqués, je tourne et vire. Comment amener les gens à une réelle réflexion et un vote un peu plus conscient ? Un peu moins “je vote vers le milieu, c’est le plus sûr” ? Alors que je suis en pleine réflexion, je tombe sur un Insta de Baptiste Beaulieu qui parle un peu de son métier de médecin général, de ce qu’il voit de la société à travers ses patients. Qu’il enrage de voir tous les laissés pour compte, ceux en souffrance mais qu’il ne sait pas comment faire prendre conscience. Car “toi, t’es un militant”. Ah oui, la fameuse subjectivité du militant, erf.
Une étiquette collée très vite
J’en ai déjà parlé donc je vais pas m’étendre là-dessus mais ça m’énerve toujours ce côté subjectivité du militant. “T’as un parti pris”. Ben évidemment, c’est même pour ça que je milite. Je milite parce que je veux combattre une injustice, que je suis en colère face à certaines inégalités. Et encore, le mot militant, je trouve l’étiquette très prompte à être collée. Personnellement, je ne fais actuellement partie d’aucune association “militante”. Je fais quelques manifs et défilés selon mon emploi du temps et mon degré de chômagie mais sinon… Le fait que je me sente concernée par certaines problématiques et que je sois dans une démarche active pour me cultiver sur le sujet ne fait pas de moi une militante au sens propre du terme. J’ai juste des opinions étayées.
Chercheurs contre éditorialistes
Mais cette nuance, dans la vraie vie, elle n’existe pas vraiment. Là encore, doit y avoir un beau travail de sape fait en amont qu’il serait intéressant de creuser. On vit actuellement dans une société qui trouve ok d’opposer des chercheurs en sciences humaines et politiques et des “éditorialistes”. En gros, le cliché du repas de Noël cauchemardesque où le tonton chiant qui ne se "renseigne" qu’en gobant du BFM ou, pire, C News, va te tenir la dragée haute. Peu importe tes statistiques, peu importe ton parcours, tes lectures, ton savoir. Son avis compte autant que les faits. Les éditorialistes de droite tout embourgeoisés se sentent aussi légitimes qu’une personne ayant mené de longues recherches sur un sujet pour prendre la parole. Et en plus, le chercheur a l’étiquette “militant”, bouh. Ah et quand je parle de recherche, je parle pas de regarder que des vidéos sur Youtube, évidemment.
On n'est pas experts en tout
Et il arrive souvent que les peu impliqués n’aient pas envie d’aller sur “votre” terrain. Déjà parce qu’il y a souvent un sentiment de ne pas être légitime. Rappelez-vous ce que je disais la semaine dernière : à force que les politiques disent et répètent qu’on n’y connaît rien en politique alors qu’eux savent, on finit par l’intégrer. Je pense qu’on a tous connu cet inconfort d’une conversation où on ne maîtrise absolument pas les bails. On se contente de hocher la tête, se disant qu’au pire, on vérifiera plus tard. Contrairement aux éditorialistes susnommés, on ne peut pas se prétendre expert en tout. Et je dirais même qu’il est agréable de découvrir un sujet qu’on ne maitrise pas mais qui peut nous intéresser. Oui, parfois, on n’a pas trop envie d’aller sur un terrain car la personne en face sait bien alors que nous ne savons rien et ce déséqulibre peut nous gêner. Certains font même exprès de nous amener sur ces terrains-là pour paraître brillants alors qu’en fait, ils maîtrisent ce sujet (et encore) et rien autour.
On n'a pas le temps de débattre, faut agir
Cependant sur certains sujets, il y a urgence. Pour en revenir sur Baptiste Beaulieu, il se retrouve sur deux sujets clés de notre société : la santé et la justice sociale. Autant vous dire que je peux comprendre qu’il ait des coups de mou. Restons sur la santé. Je vis à Bordeaux depuis un an et demi (meilleure décision de ma vie) et à Bordeaux, de temps en temps, les urgences ferment. Faute de personnel. Dans ma ville, il est possible que si j’ai un grave problème de santé, je me retrouve sans endroit pour aller me faire soigner. D’ailleurs, j’ai pris rendez-vous chez le gastro-entérologue il y a un mois… rendez-vous le 07 août. J’espère que mes maux de ventre ne sont pas graves, ahah… Nous vivons dans un pays où il devient compliqué de se faire soigner. Pour de basses raisons politiques, des séries de mauvaises décisions et c’est pas le Covid qui nous a sortis de ce bourbier. Et encore, moi, je ne vis pas dans un désert médical. Alors oui, y a des systèmes de santé pires que le nôtre mais le nivellement par le bas, je ne trouve pas que ce soit un projet acceptable, voyez. Nous avons eu un bon système de santé. Pas parfait mais bon. La dégringolade est terrible et ne s’explique que par de mauvaises politiques qu’on a laissé faire parce que “les grévistes, ils font chier”. Ah oui, surtout les grévistes hospitaliers qui continuent leur job même en grève, tiens.
Le privé va tout gérer, tkt
Et les gens meurent à l’hôpital, oubliés dans un couloir. Des gens qui n’auraient pas dû mourir à ce moment-là. Et ce dans la plus grande indifférence. Sans doute parce qu’on croit que ça ne nous arrivera pas. Les gens qui meurent comme des chiens, ce sont les déclassés, les autres. Y a qu’à voir pour le Covid, l’incroyable choc que furent les morts des quelques politiques qui y sont passés. Les riches et les élites, ça ne meurt pas d’une si vulgaire maladie, voyons. Après tout, quand t’as les moyens, tu vas en clinique et c’est réglé. Le privé, ça sauve la vie, ahah. Quand une personne politisée souligne ce genre de soucis, on nous dit toujours qu’on exagère, qu’on force le trait. T’as beau montrer ce qu’il se passe aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, dans ces pays bien en avance sur le libéralisme à outrance, non, non. Ca n’arrivera pas chez nous, ça, jamais. Nos enfants seront toujours bien soignés. Et puis si les urgences sont saturées, c’est à cause de ceux qui y vont pour un simple mal de tête, tu comprends. S’ils avaient pris un doliprane, tout irait pour le mieux. Les ruptures de stock de médicaments ? La faute à la Chine. Tout va bien.
Parler de ce qui ne va pas, c'est pas joyeux
Comment donc permettre aux gens de comprendre qu’il y a un souci sans que ce soit balayé d’un “oui mais t’es pas objective”. Voire el famoso “non mis c’est déprimant de parler de ça”. Ah bah oui mais ne pas évoquer un problème ne le fait pas disparaître. Moi aussi, idéalement, je préférerais ne penser qu’aux papillons, aux apéros en terrasse et à mes prochaines vacances. Malheureusement, même quand j’essaie de prendre un peu de recul sur l’actu (bon, ok, mensonge), tout me rappelle que le monde va mal et que je sais même pas pourquoi je me bats pour ne pas reculer l’âge de la retraite vu qu’on va tous crever. Non parce qu’autant vous dire que le scénario à +4°, là, va falloir avoir les moyens pour survivre. Je sais que le déni est puissant mais faut pas voir un bac + 25 en climatologie pour remarquer que ça chie grave depuis quelques années.
Du coup, je me dis que le plus simple, ce serait de trouver une façon détournée d’évoquer ces sujets. Pas sous un prisme “militantisme et actualité”. Mais je bute, je bute.