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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Ne vous croyez jamais à l’abri du pire

Publié le 4 Janvier 2024 par Nina in Société, Déclassement, Classe moyenne

Il respire la joie de vivre ce blog en ce moment, dis donc. Donc après le “tout ce qu’on t’a donné, on peut te le reprendre”, on va continuer sur la lancée avec aujourd’hui, son petit frère. Le “ne te crois pas à l’abri”. En sous-texte : voter pour le RN ou ses cousins n’est une bonne idée pour personne. Je dis RN parce que c’est le plus facile à mordre aux chevilles sur le sujet mais ne crois pas que tout parti s’érigeant en “punir ceux qui ne jouent pas le jeu” ne te menace pas, toi, directement. Parce que je pense que le vainqueurs de la société se comptent sur les doigts de la main et, devine quoi, on n’en fait pas partie.

Des gens riches

Pas forcément racistes mais...

Alors je vais pas tant parler du vote RN sur sa base raciste parce que là, j’ai pas grand chose à en dire. J’ai envie de parler plutôt de cette zone un peu grise des gens qui votent RN non pas par racisme pur mais parce qu’ils ont l’impression que c’est le seul parti qui s’intéresse à eux et qui peut changer les choses sur certains sujets comme l’économie ou l’insécurité. Disons le clairement : c’est faux. Le RN a des mairies depuis suffisamment d’années pour qu’on puisse affirmer qu’ils n’arrangent rien. Vous détestez les partis au pouvoir parce que c’est magouille et compagnie. Et bah le RN, c’est la même engeance. Quand je parle de la zone un peu grise, ce sont donc ces gens pas fondamentalement racistes mais qui ne sont pas non plus troublés par l’idée d’élire un parti qui l’est. Parce que oui, bon, y a des Arabes sympas comme le copain Rachid ou la pote Soraya mais y en a peut-être un peu trop, non ? Puis bon, Rachid et Soraya, ce sont les “bons arabes”, pas ceux qui mettent le feu, tu comprends… 

Said de Lost

Normalement, j'appartiens à la classe à l'abri...

On se pense à l’abri. "On" étant la classe moyenne sup à laquelle j’appartiens. Sur le papier, peu de tracas, effectivement. Je gagne correctement ma vie, suffisamment pour épargner. Je suis même propriétaire de mon logement. Certes, je n’ai ni enfants ni voiture donc c’est facile d’épargner à mon niveau. Mon compagnon gagne encore mieux sa vie donc tout va bien. En théorie, je ne me sens pas concernée par les lois qui durcissent l’attribution du RSA, les changements sur l’assurance chômage… Même, le recul de l’âge de la retraite, bon, je fais pas un métier si pénible que ça. La pénibilité de mon travail vient essentiellement de l’incompétence des N++ mais si je fais attention à ma sédentarité et à ne pas trop fixer mon écran, physiquement, je devrais m’en sortir. Bon et puis, il est tentant de se dire que tous les maux de la société viennent de ceux qui ne jouent pas le jeu, genre ceux qui se contentent de 500 € par mois pour vivre ou ceux qui ont fui une guerre pour venir profiter de nos allocs, tranquille. Alors ok, imaginons. Que le rouleau-compresseur d’un gouvernement autoritaire fasse disparaître Boubacar le réfugié et Agnès qui fait “des enfants pour les allocs”. A ma connaissance, les enfants se font à deux mais bon… Vous croyez que le rouleau compresseur va s’arrêter où ? Parce que le mépris que vous avez pour celui du dessous… Celui du dessus en a autant pour vous.

Les riches sont méprisants

Quoi, tu n'as pas d'ambition ?

Je gagne bien ma vie mais je ne suis pas un modèle de réussite. A 43 ans, je ne suis pas directrice. Certes, mon dernier boulot parisien, j’étais “head of” et mon départ en province a entraîné quelques concessions. Genre j’ai une cheffe qui a 11 ans de moins que moi… Et je m’en fous complet. Parce que la réussite professionnelle ne m’intéresse pas. Moi, je veux juste prendre ma retraite le plus tôt possible. Mais en période de capitalisme vénère, quelqu’un qui ne veut pas jouer à qui aura le plus gros salaire et les plus grosses responsabilités, c’est mal vu. Alors que des fois, être le directeur du monde, c’est n’avoir tellement rien à faire que tu mates la vidéosurveillance pour savoir qui n’a pas mis sa tasse dans le lave-vaisselle. Djizzzz. Pour ceux du dessus, je suis potentiellement une anomalie. Même si, moi, je suis assez peu remarquable vu qu’en 17 ans de carrière, j’ai été au chômage que neuf mois dont seulement cinq où j’ai touché des allocations chômage. Allocations pour lesquelles j’ai cotisées, hein… Reproche-t-on aux gens de toucher de l’argent de leur assurance habitation, assurance voiture ou vol en cas de dégâts ? Mmm. 

Assurance accident

Vous pensez que vous serez toujours du bon côté ?

Cependant, ces partis, du RN à Renaissance avec une certaine frange du PS, n’aiment pas les fragiles. Les fragiles, ça coûte de l’argent. Tous ceux qui ne sont pas sur le chemin mais sur le bas-côté, ça dégage. D’une façon ou d’une autre. Et je vous trouve assez optimiste de penser que vous serez toujours du bon côté de la barrière. Prenons un exemple : la santé. Ah oui, tant qu’on est en bonne santé, on a un peu de mal à imaginer que certains ne sont pas en grande forme. Et que ça peut les empêcher de travailler. Evidemment, je pense à certaines affections physiques qui ne se voient pas au premier coup d’oeil mais y a aussi le facteur mental. Franchement, qui n’a jamais entendu dire d’une personne régulièrement arrêtée pour burn-out ou épuisement “c’est une branleur ou une branleuse, c’est du chiqué”... Vous savez, les affections mentales sont bien plus répandues que ce que vous pensez. Ce n’est pas parce que vous ignorez les vôtres que personne n’en a. Je suis même sûre que ceux qui nient la gravité des affections mentales sont les mêmes qui trouvent scandaleux ceux qui se suicident sur les rails du métro ou sous le train à l’heure d’aller ou rentrer du travail. 

Prendre le RER

Nul n'est à l'abri d'un accident de la vie

De la même façon, vous avez un travail. Peut-être même un beau poste. Vous avez plein d’argent sur des comptes en banque, vous possédez des actions, des apparts en location ou je ne sais quoi. Cool. Vous vous sentez du côté des winners, de ceux à qui il n’arrivera rien. Je suis même prête à parier que certains trouvent abusé de cotiser tous les mois pour une mutuelle et que la sécu, bof. Parce qu’être en bonne santé, c’est juste une question d’hygiène de vie. C’est vrai que les accidents, par exemple, ça n’arrive jamais. Moi j’ai quelques histoires glaçantes sur le sujet, des barbecues qui se termine par la mort d’un convive, piqué par un frelon. Ou un mec qui ne rentrera jamais de ses vacances suite à une mauvaise chute en vélo car un enfant lui avait coupé la route et l’avait fait tomber. De vraies histoires, pas des trucs de la tante du voisin, non non… Et que dire de ces entreprises qui ont l’air de bien se porter mais qui licencient à tour de bras. J’en ai fait les frais y a pas six mois. Et encore, moi, je m’en sors bien. J’ai retrouvé direct un taf et je ne suis pas une quinquagénaire avancée. Contrairement à une des dégagées, par exemple. 

Le chômage des seniors

Moi, j'ai réussi, les autres n'ont qu'à faire pareil

Aujourd’hui, vous allez bien. Vous gagnez de l’argent et trouvez qu’il est facile de s’en sortir dans la vie. Ceux qui n’y arrivent pas le font sans doute un peu exprès. Bon, collez-là tout le laïus sur la méritocratie, l’ascenseur social et autres mensonges que l’on se raconte pour se dire qu’on mérite notre bonne fortune. D’ailleurs, ce serait pas mal qu’on élimine un peu ceux du bas pour être sûr que l’ascenseur social est vide quand il arrive à notre étage et qu’on pourra le prendre sans stress. Sauf que si vous vous retrouvez au rez-de-chaussée parce que ceux d’en-dessous ont disparu, vous croyez que vous allez rester dans le camp des winners du jeu de la société ? Vous croyez qu’il n’y a pas besoin d’une certaine menace de déclassement pour maintenir tout le monde sur les bons rails ?  

Sur les bons rails

Cette audace de croire qu'on sera toujours épargné

Il y a une audace folle à croire qu’on sera toujours du bon côté de la barrière, socialement parlant. C’est un peu comme avec les maladies virales, on croit toujours qu’on finira par y échapper et au pire, on a les moyens d’être soignés alors… Oui mais la mort, c’est la mort. Vous croyez que Devedjian, il était prolo ? Les frères Bogdanov touchaient le RSA ? J’ai déjà parlé de ce sentiment d’impunité des puissants en tant de Covid mais ça marche pour tout. Et le tour de force, c’est de faire croire à chacun qu’il ne fait pas partie de l’engeance. De ceux d’en bas qu’il faut discipliner, remettre au travail. Alors que les travailleurs pauvres en font souvent dix fois plus que nous. Ma pénibilité, une nouvelle fois, c’est la toxicité d’autres. Pas les odeurs nauséabondes, les charges lourdes, les matériaux dangereux, l’épuisement suite à des horaires à rallonge… La seule façon que j’ai de me blesser au travail, ce serait de me prendre les pieds dans un câble d’alimentation qui n’avait rien à faire là. Vous vous pensez à l’abri ? Et peut-être l’êtes-vous aujourd’hui, en toute objectivité. Mais demain ?

SDF

L'argent économisé ne vous reviendra pas

Evidemment, je pourrais vous parler de solidarité, de dire que asphyxier les plus faibles ne vous rapportera rien. Une fois de plus, l’argent économisé, il repart bien au-dessus de vous. Oui, je suis tout à fait persuadée que vous connaissez quelqu’un qui “profite des allocs et ne fout rien”. J’en ai plusieurs dans ma famille étendue. Famille bien de souche, au passage. Seulement, taper sur les plus précaires, c’est environ aussi intelligent que coller toute une classe pour un élève turbulent. Et surtout, on ne cessera jamais de le rappeler, la fraude sociale, ça ne représente rien vs la fraude fiscale. Sans parler de tous les gens qui ont droit à des aides et ne les réclame pas, souvent par ignorance. 

Allocations familiales

Sacrifier des droits pour quelques billets

Bref, arrêtez de vous faire enfumer et réfléchissez bien. Réfléchissez aux droits que l’on pourrait perdre si vous votiez pour le pire et à quel moment ça pourrait vous affecter. Genre le droit à l’avortement. Vous vous en foutez parce que vous êtes le champion ou la championne de la contraception ? Bravo. Faisons comme si les défaillances de contraception n’existaient pas et parlons des grossesses difficiles qu’il faut stopper parce que sinon, la mère et le bébé risquent de mourir. Dans certains Etats américains, ce n’est plus possible non plus. Du coup, si vous n’êtes pas convaincus et que vous trouvez que lutter contre l’insécurité et qu’arrêter de donner de l’argent aux pauvres mérite bien de perdre quelques droits, allez vous acheter une patte de lapin. Ou allez allumer un cierge je ne sais où. Parce qu’au premier accident de la vie venu, vous risquerez de comprendre que vous avez fait une boulette...

 

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