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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Le travail nous brise

Publié le 17 Septembre 2024 par Nina in Le travail est une humiliation, souffrance au travail, Burn-out

J’ai toujours eu un rapport un peu compliqué au travail. Je dirais que j’en ai sans doute trop attendu et j’ai mis du temps à en comprendre les rouages. Les vrais rouages, j’entends. Moi, j’y croyais à la méritocratie : bosse bien et il t’arrivera des choses positives. Je croyais aussi qu’une journée à mal travailler pouvait être totalement condamnable. Bref, j’ai couru pendant des années après un équilibre vie pro-vie perso avant de finalement comprendre que je n’aimais pas le monde pro. J’ai écrit des kilotonnes d’articles sur tout ça et on pourrait se dire qu’après tout, le problème, c’est moi. Que je ne supporte pas l’autorité, que je voudrais être payée à ne rien foutre… Mettez ce que vous voulez là-dedans. Sauf que… et bah le mal-être au travail augmente encore et toujours. Des sondages en pagaille sur le sujet où je n’ai même pas été interrogée. Oui, il y a un problème de mal-être au travail. Le travail nous brise. C’est un fait.

Mal-être au travail

Des métiers totalement inutiles

Ce n’est pas nouveau. Ce n’est pas une révélation divine qui nous a touchés récemment. Mes propres réflexions ne naissent pas de l’éther. Je lis des articles, des livres même, sur le sujet. Le travail peut rendre malheureux. Et c’est logique quand on y pense. Il existe finalement assez peu de métiers réellement utiles à la société aujourd’hui alors que le tertiaire explose avec des métiers pétés voire franchement inutiles. J’ai été community manager pendant dix ans et je haissais ce job. Pourquoi ? Parce que je trouvais ridicule de raconter aux clients que les “fans” avaient envie "d'entendre" leur message alors que 80% de la communauté avait été bâtie à coup de jeux concours. Et de publications nulles d'énigmes en mode "y a que les génies qui réussissent" alors que non. Non, les gens ne sont pas fans d’une marque de pâté, ils veulent juste gratter des trucs. Oui, il y a de l’engagement sur la plupart des posts mais si je regarde mon comportement sur Insta, parfois je me mets à tout liker avec frénésie parce que si je like, Insta distribuera mieux mes propres contenus. Aujourd’hui, on en est à un point où des gens sont payés à créer de fausses vidéos “réalistes” de dispositifs de type street guerilla et partagent ça sur les réseaux sociaux. Tout le monde s’en fout, y a que les gens du métier qui se branlent mutuellement dessus. En résumé : les métiers réellement utiles sont globalement très mal payés et les métiers bullshit sont payés très chers. 

Un job absurde

Payés pour exercer des métiers qui ne servent à rien

Rien de nouveau ici, lisez Bullshit jobs de David Graeber. Oui, je le cite souvent mais parce que c’est tellement révélateur. Des dizaines d’histoires de gens payés à ne rien faire ou des tâches absurdes. On retrouve d’ailleurs cette idée dans Trepalium, dystopie très maladroite sur pas mal de points mais qui avait une vision intéressante du travail (trepalium en latin) . Les pauvres n’en avaient pas et les riches étaient payés à répéter des séquences de cubes de couleur toute la journée. Youpi. Là, on arrive à une absurdité encore plus forte : nous sommes payés cher pour des métiers qui ne servent à rien et en plus, des intelligences artificielles menacent nos expertises. Bon, passons sur le fait que chat GPT n’est pas encore d’une fiabilité absolue, inventant parfois (souvent) des réponses à des questions s’il ne sait pas. Mais ça reste le sens de l’histoire. 

Trepalium ou l'absurdité du travail

Nos métiers n'ont aucune raison de perdurer

Il existe assez peu de travail à réelle valeur ajoutée. Et ceux-ci sont souvent mal payés, comme je le disais plus haut. J’aime tellement mon métier que je suis la première à dire que s’il disparaissait, personne ne s’en rendrait compte. Pire, ce serait meilleur pour l’environnement. De toute façon, 75% de mon job consiste à piloter des campagnes sur Google. Google qui fait tout pour limiter les interventions humaines sur sa plateforme de pub. “Vas-y, automatise tout, tu verras que ça sera top”. Heu, non… Baladez-vous dans n’importe quelle agence de pub, y a toujours un directeur ou une directrice d’un certain âge, personne ne sait ce qu’iel fait de ses journées. Bon, avec la crise Covid, pas mal ont sauté. Mais j’ai souvent l’impression que le travail, c’est avant tout agiter tous les éventails pour faire du vent et faire croire qu’on fait des trucs. La seule façon de s’en sortir serait de mettre en place un revenu universel en admettant que non, il n’y a plus de travail pour tout le monde. Après tout, le secteur ouvrier a payé cher l’arrivée de l’automatisation, il n’y a aucune raison que le tertiaire n’y passe pas. Surtout quand l’intelligence humaine n’a pas de réelle plus-value.

algorithme

Aucune croissance ne peut être infinie

Vous rajoutez à ça le gros mensonge de la croissance infinie et la pression que ça met sur les équipes. J’en avais déjà parlé sur l’acquisition digitale suite au Covid où les directions déconnectées n’imaginait des résultats en + XX%, la famosa croissance à deux chiffres. Alors que… le plafond les gars. Surtout que les croissances 2020 et 2021 ne sont pas liées à l’explosion de votre e-commerce grâce à une fine stratégie mais juste à des confinements et fermetures de commerces. A une époque, j’avais eu la vague idée de faire une analyse comparée des achats de machines à pain en 2020 et voir s’il y avait un boom de reventes de ces mêmes machines sur leboncoin circa 2022. Mais je ne savais pas comment mettre ce protocole d’études en place mais je suis sûre qu’il y aurait eu à dire. Sur le papier, c’est simple à capter : 2020, 2021, on est plus ou moins assignés à résidence et on se fait chier. L’occasion de se lancer dans un loisir créatif, la cuisine, le sport à la maison… 2022, l’inflation, l’incertitude liée à la guerre en Ukraine… et le fait qu’on n’a pas besoin de plusieurs machines à pain ou vélo d’appartement… Aussi fou que ça puisse paraitre, entre manger et ton produit certainement super chouette mais pas vital, le choix est vite fait. 

machine à pain

On s'épuise et on rêve d'une autre vie

Tout perd sens. Des métiers où l’expertise est limitée car les algorithmes sont opaques et changent régulièrement… Moi, ma vraie expertise, ce sont les claquettes pour expliquer des résultats qui n’ont pas vraiment de sens. Des objectifs inatteignables fixés par les incompétents au sommet. Des salariés sous pression, mal dans leur peau et… badabam, les chiffres du bien-être au travail s’effondrent. Parce que, surprise, filer un babyfoot, surtout utilisé par les hommes, on ne va pas se mentir, ou un panier de fruits frais, ça ne calme pas les angoisses face à des chiffres qui ne correspondent pas à l’attendu. Un séminaire où personne n’a envie d’aller sauf les célibataires au sang chaud, ça ne fait pas oublier les délais intenables, les mensonges faits au client par un commercial que tu dois assumer derrière. Les burn-outs explosent, la perte de sens aussi. Tout le monde se lance dans un bilan de compétence et se rêve fleuriste, coach, wedding planner ou décorateurice. Moi-même, j’ai des rêves plein les cartons : ma ferme bien-être, mon mini-golf, mon salon de thé loisirs créatifs, un gîte. Et l’écriture, évidemment. Evidemment, tout le monde ne peut pas faire ça… Dans la société actuelle. Peut-être qu’avec le revenu universel. 

Métier de rêve

Jusqu'au drame

Des burn-outs en pagaille mais parfois pire. Cette semaine, Editis a annoncé lé décès prématuré d’une de ses DRH, Amélie Courty-Cayzac. Je ne connaissais pas cette personne, n’ayant jamais travaillé dans la sphère Bolloré mais, d’après les hommages lus, elle semblait une formidable personne. Et puis d’autres commentaires ont fait leur apparition. Oui, Amélie était formidable mais pourquoi Editis cache les raisons de son décès ? Car oui, vous l’avez compris, Amélie, qui était en arrêt maladie long, s’est suicidée. Des témoignages à demi-mot, tous semblaient s’accorder qu’elle avait été bouffée par la machine. Pour avoir travaillé dans quelques grands groupes, je sais qu’il faut avoir des nerfs d’acier pour occuper des postes de RH car une de tes tâches assignées est… l’écrémage. J’en avais parlé pour Vinyl volume 2, être la ligne de trop sur un excel mais je l’ai observé dans tant de boites. Les salariés dégagés car ils ont servi de fusible. Les salariés devenus parias du jour au lendemain car faut un peu équilibrer les comptes et le plus simple pour faire des économies, c’est de réduire la masse salariale. Dans un des grands groupes que j’ai côtoyé, les RH avaient des objectifs de licenciement… Je n’ai certes jamais bossé chez Havas ou Editis mais je suis 100% sûre que c’est la même salade.

Craquer au travail : burn-out, dépression

Le travail blesse et tue, c'est un fait

Le travail nous brise jusqu’à nous tuer. Et je ne dis pas ça juste parce que je suis réfractaire au travail. Je le dis car les faits le confirment tous les jours. 2022 a été une année record des démissions, les gens lâchent l'affaire. Et en vrai, ils ont bien raison. Tiens, idée d'article, ça... On verra ça semaine prochaine.

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