L’antisionisme ne doit pas être une porte ouverte à l’antisémitisme

Article touchy de fou mais à un moment, ça commence à me gratter alors on y va. Au pire, si ça dégénère, je couperai les commentaires, hop. Parce qu’on va parler d’un sujet très clivant aujourd’hui. Mais à un moment, j’aime rappeler que certaines causes ne doivent pas être la porte ouverte à certaines déviances qu’on ne veut pas dans nos combats. Par exemple, le féminisme ne doit pas servir de prétexte à l’islamophobie. Rappel que nos luttes n’ont rien à faire dans les agendas des racistes. De la même façon, on peut réprouver la politique Israélienne sans cracher sur tous les juifs. Si vous pensez que c’est l’open-bar de l’antisémitisme, on n’est pas ensemble.

On peut dénoncer la politique israélienne sans être antisémite

Pour commencer, il va falloir poser quelques termes et bases pour bien comprendre de quoi on parle. Je ne vais pas vous donner les définitions d’antisémitisme et antisionisme, je vais partir du principe que vous savez. Par contre, on va rappeler qu’on peut dénoncer un génocide commis par un Etat de confession juive sans être antisémite. Je veux dire personne n’accuse ceux qui ne sont pas favorable à l’invasion Russe en Ukraine d’être anti-orthodoxe, ça n’a pas de sens. “Ah oui mais les orthodoxes, c’est des Chrétiens”. Il n’en reste pas moins qu’on est dans le cas où un pays en envahit un autre et les réactions sont diamétralement différentes.

Une attaque traumatisante. Mais...

Alors oui, le 07 octobre, ce fut affreux. On comprend aisément le choc. Toute la classe politique a été unanime à ce sujet. Toute. Arrêtez de prendre vos sources d’infos dans les égouts. Je ne vais pas rentrer dans le débat de “Mais Netanyahu, il a laissé faire exprès pour pouvoir éradiquer Gaza”. Essentiellement parce que je n’en sais rien donc mon avis sur le sujet, quel qu’il soit, c’est du flan. Toujours est-il qu’un territoire a été purement et simplement annihilé, un pays voisin attaqué et il ne se passe rien. On parle sans trembler de déplacer des populations, enfin ce qu’il en reste, pour en faire une sorte de Club Med géant. Et personne ne dit rien. Imaginez que la France aille raser la Belgique, sous prétexte des frères Abdeslam, et installer des clubs vacances sur les plages d’Ostende… Bon, si la France devait attaquer quelqu’un pour se venger du terrorisme, ce serait plutôt la Syrie. Ca aurait pu passer, remarquez. La vie des Arabo-Musulmans n’a aucune valeur, le pays était en guerre, ils auraient pu nous faire une sorte de remake de l’Afghanistan avec les Etats-Unis.

Un pays aux racines complexes

Alors, certes, je suis en train de comparer les choux et les carottes. Israël et la Palestine ont une frontière commune alors que la France et la Syrie, non. Mais surtout, on ne parle pas de n’importe quel pays. On parle d’un pays qui est né, entre autres, de notre culpabilité. Quand j’étais plus jeune, vraiment plus jeune, je ne comprenais pas pourquoi on avait mis Israël là où il se trouve. J’étais là “non mais on aurait dû leur créer un Etat en Allemagne, leur filer la Basse-Saxe ou la Rhénanie”. Je veux dire on m’explique qu’on a créé ce pays pour offrir enfin des terres à un peuple errant qui a beaucoup souffert, notamment avec le nazisme. Ok mais les Palestiniens, ils étaient pas nazis, aux dernières nouvelles. Puis en grandissant, j’ai compris que c’était pas une question de qui a perdu et qui doit céder ses terres. Et en grandissant encore plus, j’ai appris que les premiers colons sionistes ont débarqué dès la fin du XIXe siècle. Certes, le sionisme se base sur la volonté de créer un Etat qui protègerait les Juifs des violences dont ils sont régulièrement victimes mais reste qu’ils débarquent sur une terre déjà occupée.

Un peuple qui a incontestablement souffert

Vous avez noté, je dis bien sioniste et non pas juif. Déjà parce qu’il existe beaucoup de Juifs antisionistes. Ensuite parce que j’en reviens au coeur de mon sujet. Il était temps… On a le droit de critiquer la politique d’un pays avec une religion d’Etat sans mettre tous les croyants de cette religion dans le même panier. Déjà, de base, la “question juive” est compliquée. Parce que si le nazisme a été la manifestation la plus totale de l’antisémitisme, les Juifs ont été méprisés et maltraités pendant des siècles. Ce peuple était très régulièrement accusé de tous les maux, victime de nombreux clichés racistes. Cette année, on fête les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale. On a fêté l’an dernier les 80 ans de la libération d’Auschwitz. En schématisant à peine, on peut dire que ça fait moins d’un siècle qu’on se dit que les Juifs, on va les laisser un peu tranquille. 80 ans vs des siècles de répression, c’est léger pour “oublier l’antisémitisme”. Et tant qu’à parler d’Auschwitz : la politique israélienne actuelle n’est pas une raison pour édulcorer ce que les Juifs ont vécu dans l’Histoire.

Il n'y a pas un racisme moins grave qu'un autre

Il n’y a pas un racisme plus légitime qu’un autre. On ne peut pas combattre le racisme mais être plus laxiste sur l’antisémitisme parce que Israël. Tous les Juifs ne sont pas progénocide. Tous les Israéliens ne sont pas pro-génocide, d’ailleurs. Les médias français en parlent assez peu mais il y a un énorme mouvement de contestation là-bas. On doit conserver nos garde-fous et ne rien tolérer. L’antisémitisme n’est pas résiduel. L’antisémitisme et l’islamophobie ne s’opposent pas. On doit les traiter de la même façon. Il n’y a pas un “plus grave que l’autre”. L’islamophobie doit nous inquiéter car elle gangrène actuellement le gouvernement français et on sait que ça ne finit jamais bien cette histoire. Mais ce n’est pas une raison pour décréter que l’antisémitisme, c’est fini. Que les Juifs ne risquent plus rien parce qu’ils sont les amis du pouvoir. Genre BHL, Arthur. Ah, tiens, Arthur, parlons-en. Vous avez sans doute suivi l’histoire, déjà oubliée, d’Arthur qui tripote les femmes en plateau avec la bénédiction de TF1. Quand c’est sorti, ça a fait grand bruit, à juste titre. Sauf que quelques illuminés se sont dit “tiens, je vais aller un peu taper sur sa judéité”. Une minorité, certes. Mais ça a permis à l’animateur de porter plainte pour “insultes à caractère antisémite” et faire bloquer les publications qui le gênaient. Alors que le problème ici, ce n’est pas la religion d’Arthur. C’est son comportement de mâle alpha toxique.

Parce que les Juifs sont aussi menacés par l'extrême-droite

Bref, vous êtes choqués par ce qu’il se passe en Palestine ? Moi aussi. Enfin, quand je dis choquée, je devrais dire “ivre de rage et désespérée” parce que je croyais, naïvement, que le “jamais plus” post nazisme concernait toutes les populations. Finalement, le “jamais plus” aura tenu moins d’un siècle. Oui, on massacre les Musulmans à la place des Juifs mais, personnellement, je serais juive, je serais pas super sereine non plus. Parce que le RN, là, il fait la roue en mode “oui, nous sommes les amis des Juifs, les antisémites, ce sont les gauchiasses”, c’est faux. C’est factuellement faux. Et si les Juifs riches, tout comme les Arabo-Musulmans riches, d’ailleurs, peuvent ne pas trop s’inquiéter, comment pensez-vous que ça va bien se passer pour les Juifs classe moyenne dans un Etat gouverné par un parti ouvertement raciste ? Cependant, quoi que l’on pense de la politique de Netanyahu, ça ne justifiera jamais l’antisémitisme. Et ce n’est pas perdre son énergie de s’indigner si nos concitoyens juifs sont agressés, verbalement ou physiquement. On ferme résolument la porte à l’antisémitisme.