De temps en temps, j’aime me lancer dans un docu Netflix. Plutôt les enquêtes sur plusieurs épisodes. Pas les documentaires assez courts avec un épisode, un thème car leur montage m’insupporte. Donc nous voici à lancer Bad Vegan, histoire dont je n’avais jamais entendu parler. Si le reportage m’a fait froncer des sourcils quelquefois car je l’ai trouvé assez partisan, j’y ai retrouvé le classique des relations toxiques. Et comme je m’étais dit que j’allais un peu travailler sur le sujet, c’est parti, on décortique.
Une arnaque amoureuse qui détruit tout
L’histoire : Sarma Melngailis est l’heureuse propriétaire d’un nouveau restaurant à New York qui ne propose que des plats vegan. C’est son rêve et elle s’implique corps et âme pour que ça marche. Tout semble lui sourire : les people fréquentent son restaurant, lui assurant une belle notoriété. Elle a même un petit frisson avec Alec Baldwin. Mais un jour, elle croise la route de Shane Fox, mec pas super intéressant qu’elle érige cependant au rang de prince charmant. Totalement captivée par ce mec, elle va rapidement l’épouser et rentrer dans une spirale infernale entraînant un fort endettement et la fermeture de son restaurant.
Un vrai manipulateur
L’histoire a fait les choux gras de la presse à l’époque, essentiellement parce que certains ont fort ricané de voir un resto vegan et son emblématique propriétaire se crasher aussi superbement. Mais on ne va pas commenter le véganisme et l’amour débile de la bidoche de certains aujourd’hui. J’ai déjà prévu de taper sur les mecs, un sujet à la fois. Je ne parlerai pas de l’histoire du restaurant car je m’en fiche pas mal pour ma série mais on va vraiment parler d’amour toxique car là, on a littéralement la liste de tous les travers d’un manipulateur. Limite, ça aurait été un film, j’y aurai pas cru tellement j’aurais trouvé que le personnage de Shane manquait de nuance. Point vocabulaire : si l’attitude de Shane colle parfaitement à celle d’un pervers narcissique, je n’utiliserai pas ce terme mais resterait sur manipulateur. Car la perversion narcissique n’est in fine pas une maladie et je ne veux lui trouver aucune excuse.
Une détresse affective...
Shane, de son vrai nom, Anthony, va avoir deux talents principaux. Trouver la bonne victime d’un côté et jouer ensuite le chaud et le froid pour la flairer. Arrêtons nous d’abord sur la “bonne victime” et comprenez bien que je ne fais absolument pas de victim shaming. Du portrait qui nous en est fait, Sarma est seule. Affectivement, elle reporte tout sur son chien et semble avoir été très affectée de ne pas avoir eu de love affair avec Alec Baldwin. Alors que littéralement, l’histoire, c’était “on n’a jamais été célibataire en même temps”. Sur ce point, j’ai un peu l’impression que le docu a insisté un peu plus que nécessaire pour mettre en avant le côté “regardez, elle pèse dans le game quand même”. Non parce que les histoires qui n’ont jamais eu lieu car les statuts amoureux ne collaient, on en a tous une dizaine, on va pas passer 15 minutes sur chacune. Mais voilà, Sarma est en dèche affective, reportant tout son amour pour son chien, star de ses réseaux sociaux. Donc qu’est-ce qui peut arriver de pire pour une personne en détresse affective ? Un bon gros manipulateur !
Attention aux relations virtuelles...
Shane et Sarma vont d’abord développer une relation virtuelle. Ca aussi, on en reparlera mais niveau item de la personnalité toxique, ça se place très haut. Un exemple. J’en avais déjà parlé, par ailleurs. La relation virtuelle permet de créer une sphère intime très rapidement et créer l’illusion d’une relation particulière. Ca devient très vite la première personne à qui l’on parle le matin, la dernière à qui on parle le soir. On se livre vite, très vite. Le correspondant virtuel prend une place insensé dans notre vie. D’ailleurs, dans l’histoire qui nous concerne, Sarma avouera avoir été un peu déçue par le physique de Shane mais elle était ferrée. Ensuite, on alterne les phases de fusion et d’éloignement, souvent pour des prétexte fumeux, un peu mystérieux. On crée le manque. Petit à petit, le manipulateur devient l’alpha et l’oméga de sa victime.
Commencer le travail de sape
Il y a aussi du chaud/froid, du “je t’aime, moi non plus”. L’immense red flag dans ce cas, ce sont les critiques. Le manipulateur a un talent certain pour déceler vos failles. Franchement, tant d’intuition sociale utilisée pour faire le mal, ça me bute. Si vous n’êtes pas à l’aise avec votre corps, il va subtilement taper dessus. Parfois sous couvert de compliment genre “mais je les aime, moi, tes bourrelets” ou “ne te prive pas, un ou deux kilos de plus te fera le plus grand bien”. Ca peut être sur votre intelligence si vous doutez de vous. Voire même sur votre chien si votre vulnérabilité se situe là. Typiquement ici, Shane maraboute Sarma en lui parlant de ses pouvoirs magiques et qu’il peut conférer l’éternité à Leon. Vous trouvez ça gros ? Moi aussi mais Sarma aime bien tout ce qui est un peu mystérieux et ésotérique. Une arme de plus pour Shane.
Aller vite pour garder le poisson ferré
Le manipulateur est, par essence, un menteur. Prêt à s’inventer des personnages secondaires pour donner plus de poids à son histoire abracadabrantesque. Il est conscient qu’il a un ennemi principal dans l’affaire : le temps. La victime, toute vulnérable qu’elle soit, finit par en avoir marre qu’on lui maintienne la tête sous l’eau. Voir toute sa vie se déliter. D’abord parce que le manipulateur va l’isoler de son entourage afin de faire taire toutes les voix qui signaleraient que ce gars-là, franchement… Puis parce que son but est simple : se faire entretenir. Le manipulateur a souvent une grande vocation dans la vie, une vocation qui ne rapporte pas un kopeck, pour l’instant, mais t’inquiète, l’argent va couler à flots. Donc forcément, la victime va se retrouver rapidement dans une situation angoissante et pourrait filer. Donc on va vite l’épouser ou lui faire un gosse, histoire de la garder captive de cette relation toxique.
Le bon tempo
Est-ce que Shane/Anthony est un bon manipulateur ? Pas dans ses mensonges mais dans le tempo imposé à ses victimes, il semble très doué. Et il a su tomber sur la bonne victime. Le personnage de Sarma semble un peu trouble par moments. Je pense qu’elle a un peu exagéré sa “prise de conscience”. Je soupçonne qu’elle ait été ferrée bien plus longtemps que ce qu’elle veut faire croire. Inquiète pour l’argent, indubitablement, mais croyant encore aux mensonges de Shane. Comment lui en vouloir ? On est prêts à croire à un peu n’importe quoi si l’histoire nous garantit qu’on va sortir de la panade. C’est toujours facile de juger quand on ne vit pas les choses. Je pense également qu’elle avait peur. De lui sans doute mais aussi d’affronter la situation dans laquelle il l’avait mise. A ce moment-là de l’histoire, elle était seule.
J'ai connu une histoire similaire
Cette histoire vous paraît folle ? J’en ai vécu une quasi identique. Pas en tant que victime, j’étais sur le côté. Donc je ne sais sans doute pas le quart mais tant de points communs. Le prénom qui n’est pas le bon, une relation qui évolue très très vite, le prince charmant bourreau qui vit au crochet de ses victimes. Même le truc mystique, je sais que ça y était pour une des victimes. C’est tellement le même pattern que ce documentaire m’a mis les nerfs. Je hais ces hommes, au sens littéral du terme. J’avais envie de rentrer dans ma télé pour boxer le Anthony/Shane. J’ai croisé la route d’un gars comme ça. Une relation brève durant laquelle j’ai eu droit au chaud/froid, au “avec moi, ta vie va changer, je vais t’élever”, les mythos assez gros et Monsieur faisait de l’astrologie. Heureusement pour moi, il a trouvé quelqu’un de plus fragile.
Méfiez-vous des contes de fée
Bref, contrairement à ce que nous racontent les fictions amoureuses, les contes de fée n’existent pas. Vous pensez avoir trouvé le prince charmant. C’est génial, je suis ravie pour vous mais restez sur vos gardes. S’il vous isole, ce n’est pas bon. S’il vous promets monts et merveilles, que ta vie va devenir incroyable grâce à lui, qu’il est là pour régler tes problèmes, fuis. S’il mélange compliments et reproches, fuis. S’il disparaît sans raison apparente pour mieux revenir par la suite, fuis. S’il te demande rapidement de l’argent, fuis. Et surtout, dans le doute : pas d’installation, mariage ou grossesse trop rapidement. Et n’oublie jamais : tu as sans doute bien plus de valeurs que ce que tu penses et le célibat n’est pas un drame. Comme dirait l’adage : mieux vaut être seule que mal accompagnée. Vraiment.
Ah et évidemment, pour le mec qui va venir chialer sur le “oui mais y a des femmes comme ça aussi”. De un, c’est pas le sujet et de deux, arrêtez de confondre un cas particulier et les fruits d’un système. Je l’ai déjà expliqué.