Et ton manager, c’est pas ton grand frère ou ta grande soeur. Je suis une sensible. Une douce, une gentille. Une pâte à modeler parfaite pour les patrons et managers. Une victime, surtout. Depuis trois mois, donc, je suis au chômage. Une pause salutaire propice à l’introspection. Grâce notamment à l’aide de ma psy du travail. J’ai donc réalisé que j’avais un rapport pas super sain avec l’entreprise. Un rapport que je qualifierais de “familial”. Mais façon famille dysfonctionnelle du cinéma français, quoi.
Mes parents ont toujours reconnu mes qualités et pourtant...
Je n’ai pas de soucis familiaux. Je veux dire j’ai des parents normaux qui ne m’ont jamais poussée outre mesure à réussir. J’ai toujours pu choisir ma voie et quand je leur ai annoncé ma démission y a quelques mois pour changer de métier, ils ont réagi “Ah ok. Bon, tu dois savoir ce que tu fais. Tu reveux de la salade ?”. Parallèlement, j’ai toujours plutôt bien réussi. Bonne élève à l’école. Une carrière chaotique, certes mais de 1/ j’aime pas mon métier et de 2/j’ai une flemme monumentale à l’idée de maîtriser les bons codes du monde du travail pour progresser. Flemme qui me met dans une position de travailler beaucoup parce que je trouve que je n’en fais jamais assez pour obtenir peu. Dans la série la meuf n’a pas tout compris à la vie, je pense que je me pose là. Bref, tout ça pour dire que je n’ai jamais eu un mal de reconnaissance parental.
Un rapport trop affectif, surtout avec les femmes
Et pourtant, je me place très vite dans une sorte de rapport affectif dans mon travail. Surtout avec certaines femmes qui auraient comme une aura maternelle ou de grande soeur, je ne suis pas sûre. On va être concrets pour que vous compreniez ce que j’ai encore un peu de mal à énoncer. Y a encore du boulot, oui. Retour en 2013. Je suis en poste depuis un peu plus d’un an dans une boîte où ça se passe bien. Mais je suis contactée par un cabinet de recrutement pour un poste qui me plairait pas mal. Mais j’hésite. Je passe les entretiens mais je crains d’être prise car je me sens traître vis-à-vis de ma cheffe. J’imagine déjà l’annonce où je lui explique que je suis désoléeeeeeeee mais l’offre était si tentante mais que vraiment, c’est pas elle… Finalement, j’ai pas eu le job et elle a embauché un mec qui est devenu sa super-star, me reléguant au placard après m’avoir fait tant de belles promesses. Cheh.
Les sentiments, ça m'a perdue
Dans mon dernier boulot, y a eu de ça, aussi. Vous savez pourquoi j’ai validé ma période d’essai malgré tous les red flags ? Parce que quand ma N+2 m’a annoncée qu’ils me validaient, elle avait l’air si contente que j’ai pas eu le coeur de lui dire que je voulais repartir pour un tour d’essai. Résultat : j’ai démissionné un mois plus tard et j’ai droit à plus rien car ils m’ont refusé la rupture conventionnelle. Et autant vous dire que mon affect, je peux me le mettre où je pense. A partir du moment où j’ai démissionné, je suis devenue la méchante. Ma N+2 et ma DG ne me disaient limite plus bonjour. J’ai été étonnée quand ma N+2, le dernier jour, a voulu me voir cinq minutes pour un départ un peu formalisé. Un moment de gêne. Même, en partant, je voulais envoyer un mail à ma N+1 pour m’excuser, en quelques sortes, de quitter la navire. Ma N+1 que j’ai croisé une semaine avant son congé mat. Or la semaine précédant mon départ, il y a eu une petite sauterie dans ma boîte et je l’ai croisée. Elle m’a lâché un vague salut et s’est barrée loin de moi. Ah. Et oui, les sentiments au boulot, y a pas à en avoir.
Se souvenir des sales histoires
Je vais reparler de ma pote Maëlle car les électrochocs sur la saleté du monde du travail, je les prends plus à travers les expériences de mes potes que les miennes. Quatre ans à se casser le cul pour une boîte qu’elle aimait. Ils l’ont sortie comme une malpropre en la mettant bien dans la merde. Cette histoire, je vais la garder bien précieusement et la brandir dès que j’ai un soupçon de sentimentalisme qui se pointe niveau taf. Ca me dessert et c’est tout. Y a pas à avoir d’empathie pour des gens qui n’en auront pas pour toi. Dans ma dernière boîte, ma rupture conventionnelle ne leur aurait pas coûté un centime mais elle m’a été refusée. Je n’ai jamais su si la décision venait de Paris ou si ma DG n’a même pas fait remonter ma demande pour me punir. Quoi qu’il en soit, ce fut un terrible camouflet. J’ai voulu être gentille, ça m’est violemment revenu dans la figure. Il ne faut pas être gentil dans le monde du travail, ça n’apporte rien. A aucun niveau.
Tes bons sentiments ne te serviront à rien
Surtout que les bons sentiments ne te sauveront pas. Si tes patrons sont comme tes parents, ce sont des parents de soap opera. Ils sont fiers de toi quand tu réussis mais n'hésiteront pas à te déshériter si tu les déçois. Et des parents de soap qui t'ont eu par idéal bourgeois mais qui n'aiment pas les gosses. Tes scrupules, ils ne les ont pas. J'ai vu tellement de gens sauter parce que fusible. OK, on va te traumatiser mais le client veut qu'on coupe une tête, dooonc… Alors je sais que je n'ai jamais pris les enjeux de mon taf très au sérieux. Faut dire que pendant dix ans de gestion des réseaux sociaux et influenceur, rien n'était vraiment crucial. Oh non, j'ai fait un mauvais post sur Facebook, des gens vont perdre leur emploi ! Non. Même en responsable acquisition. Ne pas atteindre ses objectifs irréalistes n'a jamais supprimé le moindre emploi. Mais voilà, en entreprise, pas de sentiment et si quelqu'un doit sauter, il sautera. Surtout les exécutifs. On en trouvera un plus junior, moins cher. Qui finira par faire une erreur et qu'on fera sortir par la petite porte via une rupture conventionnelle. Merci bisous.
On ne te rendra pas ton affection
Donc résumons. Non, tes patrons ne sont pas tes parents et si tel était le cas, ce serait d'horribles parents. Pas de sentimentalisme exacerbé, surtout qu'ils n'auront aucune pitié si tu n'es plus l'enfant chéri. Et si tu as besoin de parents de substitution… trouve-les ailleurs ?