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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

ABCD du cringe sur LinkedIn

Publié le 15 Août 2024 par Nina in Sociologie, Cybersociologie, LinkedIn, Les faux experts

Jour férié oblige, je me suis dit que j’allais un peu me défouler sur le réseau social que je déteste le plus au monde : LinkedIn. Faut dire que mes réseaux sociaux pointent plutôt à gauche alors que LinkedIn, c’est le royaume (ultra) libéral où ça parle pognon et entrepreunariat H24. Ces quinze derniers jours, j’étais limite en dissonance cognitive entre mon LinkedIn “les jeux olympiques, c’est trop génial, regardez ce beau moment que je partage pour que vous likiez”, mon bluesky et mastodon (“On s’en fout des jeux, on veut Lucie Castets”). Et threads un peu entre les deux avec la moitié des messages dénonçant la transphobie de JK Rowling à propos d’Imane Khelif… et des photos de chat. Bref, aujourd’hui, petit florilège de ce qui m’exaspère sur LinkedIn.

Linkedin est un cancer

Les quémandeurs d’attention

Comme sur n’importe quel réseau social, la première denrée recherchée sur LinkedIn, c’est l’engagement. Donc ça va poster dur et parfois un peu polémique pour essayer de générer du like, du comm et du share. Bon, on va donner un bon point à LinkedIn, les quémandeurs d’attention dosent un peu mieux que sur d’autres réseaux. Non parce que les “unpopular opinions” sur un truc pas du tout unpopular pour générer du comm en mode “nous sommes l’élite de la nation”, j’en peux plus non plus. Mais sur LinkedIn, tu dois surfer sur tout, faire feu de tout bois. J’ai parlé des JO en intro mais c’est un festival. Déjà, le mème sur le tireur turc qui tire la main dans la poche quand ses adversaires sont en full cosplay d’un tueur à gage cyberpunk, j’en ai marre. C’était rigolo deux secondes. Surtout que faire de l’humour autour des cold calls, faut s’accrocher, quoi.

Cold call

Les accros à la réussite

Mais les JO, ce sont aussi des tas de sportifs qui réussissent. Ah, la réussite, ça plaît sur LinkedIn. Et c’est parti pour capitaliser sur chaque médaille française. Sans oublier le petit laïus sur le travail, la persévérance, le mérite. Ah oui, la méritocratie, gros sujet sur LinkedIn. Surtout de la part de serial entrepreneurs qui en sont à leur troisième boîte à 25 ans. Success story de fou. Bon sur les trois, deux sont canées, hein. Et perso, si j’ai pas lancé ma boîte à 25 ans, c’est que j’avais pas les fonds. Et la grosse flemme, certes. Mais si tu te lances à ton compte si jeune, c’est souvent que derrière, y a les parents qui peuvent t’aider à financer tes cinquantes boîtes. Hé oui, la méritocratie, elle a toujours un bon matelas de sécurité quand même. Bref, le bullshiteur de LinkedIn, il se sent hyper proche de Léon Marchand, c’est limite la même histoire. On admire le culot.

Léon Marchand, roi de France

Je suis le meilleur, les autres sont nuls

Pour attirer l’attention, tu as plusieurs méthodes. Tu peux essayer de faire du contenu de qualité… ou clasher. Le clash sur LinkedIn, ça peut sembler contre-intuitif tant, de prime abord, l’univers est onctueux. Enfin, pour les gens de droite vu que dans les comms, ça se lâche dur sur la France Insoumise. Chaque comm prouvant d’ailleurs que les gens ne savent pas de quoi ils parlent. Non, la FI, ou même la gauche en général, ne rêve pas de sponsoriser les “feignasses” qui refusent de travailler alors que vous, vous vous épuisez à la tâche. Et ils ne sont pas communistes non plus. Mais LinkedIn pullulant d’experts en tout, ils prennent la politique comme n’importe quel sujet bizz : “j’ai lu deux articles dessus, je maîtrise”. Oui, oui… Bref, de temps en temps, on a Jean-Nicolas qui va poser sa pêche en mode “ah, les gens qui font ça, ce sont trop des nuls”. J’ai un expert SEA qui fait ça, il adore taper sur les agences “qui n’embauchent que des juniors qui sont trop nuls alors que moi, je sais”. Le mec a passé 15 ans en agence et les jeunes ont le droit de démarrer mais passons. Jean-Nicolas, il est juste trop fort et tu as intérêt de passer par lui. Lui, il conchie ceux qui gardent la marque dans leur perf max ou utilisent les requêtes larges. Il aurait pu poster un message didactique pour expliquer pourquoi c’est pas bien (ou pas, ça dépend des cas, en vérité) mais non. Son message, c’est “moi, je sais, vous, vous êtes nuls”. J’ai trop envie de bosser avec toi, dis donc…

C'est moi le meilleur, Christiano Ronaldo gagne un ballon d'or

Les selfies du malaise

J’ai l’impression que ça s’est un peu calmé mais les selfies sur ce réseau… On va avoir trois types de selfies : 

  • Celui qui n’a rien à voir avec la choucroute mais la personne sur la photo est en train de faire un truc cool genre skate ou poser dans un bel endroit. Ou se trouve juste frais ou fraîche et a envie d’un peu d’attention. Pourquoi pas, je peux comprendre qu’on ait envie de partager une photo qu’on aime bien… mais pourquoi sur LinkedIn ? Après, vous avez souvent droit à une histoire un peu nase genre “moi, le week-end, j’aime faire du surf car il faut la même discipline dans le travail…”. Je reparle des fausses anecdotes de type osef juste après.
  • Le selfie “fausse mise en situation”. Mais si, la personne qui se prend en photo avec un retardateur en train de téléphoner ou de taper sur son ordi en mode “on m’a pris.e en photo pendant que je travaillais” alors que tu sens très bien que c’est posé. Il y a quelque chose de pas naturel dans la pose. Je rajouterais bien “non mais en plus, qui aurait idée de prendre un de ses collègues en photos pendant qu’il travaille” mais vu que j’ai moi-même plusieurs photos prises par mes collègues pendant que je bossais, bon… Après, y en a une, j’avais une couronne sur la tête, c’était rigolo. 
  • La troisième, c’est la “photo pro” un peu déter, un peu sûr de soi qui va être utilisée à toutes les sauces. En photo de profil sur un fond fluo, en couverture des carrousels conseils ou je ne sais quoi. Là, encore, pourquoi pas. Je ne suis pas une bonne élève du personal branding. Mais souvent, je trouve les photos choisies un peu bizarres et surtout, à force de les voir… je peux plus me les voir. 
Fran Fine selfie

Une éternelle mise en scène du soi : les anecdotes foireuses

LinkedIn impose un exercice d’équilibrisme permanent, entre polissage d’orgueil et sursaut d’humilité. Pas parce que l’humilité, des fois, ça fait du bien. Non, on s’en fout de ça. On est dans le fake sur LinkedIn et tout est prétexte à raconter sa vie, quitte à l’inventer. Donc on va alterner entre “je suis le meilleur” et “j’ai pris une leçon de vie” avec des anecdotes foireuses, souvent gênantes. Parfois carrément inventées. Le classico, c’est l’enfant qui va dire quelque chose ou poser une question. Vous avez les mêmes sur Twitter en général, avec des enfants de 5 ans qui te posent une analyse géopolitique qui colle parfaitement avec l’avis du parent qui partage l’histoire. Fou, fou. Des fois, je me dis que je devrais m’inventer un enfant. “Hier, Ofelia m’a demandé pourquoi j’étais obligée d’aller travailler tous les jours alors que mon boulot n’a aucun sens, encourage la surconsommation et que si on continue comme ça, on va tous crever. Oh, sweet summer child”. Enfin, version LinkedIn, ce serait plus “Hier, mon fils Léon, appelé ainsi en hommage au champion de natation car je lis l’avenir, m’a demandé “mais Papa, pourquoi empêcher les gens de travailler le soir ou le dimanche s’ils en ont envie ? Ah ça, mon fils, c’est la faute des gauchiasses qui veulent empêcher les salariés de s’épanouir dans leur travail”. Heureusement que cet enfant n’existe pas, finalement. Et à propos de fakes…

Un enfant fantôme

Les faux podcasts/interviews

Eux, ce sont les pires. Les mecs se posent devant leur téléphone, légèrement de biais comme s’ils parlaient à une personne derrière la caméra pour répondre à leurs questions. En général, tu les reconnais car “pour faire croire”, ils ont mis deux caméras et changent de point de vue de façon frénétique. Ca et le fait que ce qu’ils racontent n’a aucun intérêt. Je ne suis pas hôtesse de podcast, ce qui me plairait dans l’absolu, mais je pense que quitte à monter une petite capsule de quelques instants d’une interview, je choisirais un moment un peu plus intéressant. Souvent, le faux interviewé déclare “on me pose souvent la même question” pour répondre à une question que personne ne lui a jamais posée. Autre indice : l’influenceur poste un extrait d’un podcast… qu’il ne référencera jamais. On parle de personnes qui sont capables de te faire un post “leçon de vie” de 30 lignes de leur constipation et qui name droppent la terre entière à la moindre occasion. Mais les podcasts auxquels ils participent, non.

Faux podcast

Expert... du fake avant tout

Je sais que la tendance est fortement présente sur d’autres réseaux sociaux, notamment Tiktok. Ce format fausse interview sert à simuler une expertise. Ici, on est plus sur de gros micros, pas toujours présents en version LinkedIn qui va plus partir sur des formats type Brut, Konbini ou encore Welcome to the jungle. Et pas de changement d’angle de vue. Mais l’idée reste la même : s’inventer une autorité quelconque. Alors je peux comprendre l’importance de paraître expert sur LinkedIn. Mais c’est cramé à dix milles, ton truc. Et quand je vois une personne mentir éhontément sur son profil LinkedIn, comment faire confiance quant à son honnêteté ? 

Un faux expert sur LinkedIn

Rions-en

Bref, si vous aussi, vous ne supportez pas tous ces bouffons mais que vous êtes obligés d’aller sur ce réseau des enfers pour (changer de) le travail, une page à suivre pour en rire : Une semaine sur LinkedIn. Et sinon, y avait un neurchi de LinkedIn mais je l’ai quitté car y avait plus de modération et ça devenait rance donc…

Bon jeudi férié !

 

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