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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Pourquoi se dispute-t-on sur nos façons de militer ?

Publié le 11 Mars 2025 par Nina in Militantisme, La meilleure façon de militer, Cordon sanitaire

Alors qu’on n’a pas le temps pour ça, en fait. Le monde va mal, les fachos mascus sont en train de prendre le pouvoir partout et on va tous crever. Ca va vous ? On n’est pas bien, à baigner dans ce parfum de fin du monde ? Moi, je suis en train de me demander ce qui va éradiquer l’Humanité en premier : catastrophe naturelle, pollution, guerre ? J’aurais bien aimé l’astéroïde mais y a plus trop de risque de collision, finalement. Bref, je ne peux pas dire que je suis optimiste et pourtant, je refuse de lâcher l’affaire. Hé oui, c’est ça le grand malheur des wokes : on n’arrive pas à s’en foutre du sort des autres. Du coup, si on continue à militer, comment on agit ? Et surtout : pourquoi il n’y aurait qu’une seule réponse valable ?

Chacun son militantisme, une femme se prend en selfie devant une manifestation

Comment discréditer les discours dégueus ?

Je suis parfois démunie face à certaines prises de position lunaires sur les réseaux, dans la presse. Oui, il y a du troll et de la provoc. Être une personne décente n’est pas dans l'agenda de tout le monde. Mais parfois, la bêtise de certains raisonnements fallacieux me fait hurler. Et de voir que des gens y adhèrent, encore plus. Alors pour éviter d'insulter tout le monde gratis, même si certains méritent, je réfléchis à comment combattre ça. Comment désamorcer les bombes fascisantes déposées par ceux qui se sont mis au service du dégueulasse ?

Lutte contre les fake news

La raison n'est plus un argument

Évidemment, mon premier réflexe, c'est la raison. 1+1 faisant 2, allons chercher chiffres et faits. Je fais ma petite démonstration, je publie ici ou là et voilà. La logique triomphera, c'est mathématique. J'ai certes quelques notions de Sciences politiques, d'histoire ou de sociologie héritées de mes études et de mes lectures mais rien d’obscur ou d’inaccessible. Et pourtant, tu réalises vite que ça ne suffit pas. Sur un article de deux pages de faits, tu as un quidam qui vient commenter que Mélenchon veut donner tout l’argent aux gens qui ne travaillent pas et livrer la France à l’Islam. Alors je sais pas qui est “Islam” précisément. Et je suis toujours agacée de cette légende de gens qui roulent sur l’or en ne travaillant pas. Ah oui, ça existe, ce sont des rentiers. Pas les bénéficiaires du RSA. Cherchez toujours qui est la personne derrière le projecteur de la caverne. Oh well, j'aime bien cette métaphore. Je vais me la garder au chaud. 

Les médias, source d'angoisse

Raisonner parce que c'est tout ce que je peux faire

Bref, je me réfugie dans la raison. Je joins ma goutte d'eau à la rivière gauchiste pour rappeler que nous sommes légion. Quand je peux, je vais battre le pavé pour dire que je suis pas d'accord. Aujourd'hui, je ne suis pas convaincue que la manifestation ait un réel poids politique. Surtout que les médias parleront toujours plus des vitrines cassées que des raisons de la manifestation. Néanmoins, ça fait toujours plaisir de voir que l'on n'est pas seuls. Est-ce que ce militantisme est assez ? Ca dépend de quel point de vue on se place. Je n'ai aucune aura médiatico-universitaire ou je ne sais quoi. Je pourrais donner de mon temps à des associations, c'est vrai. J'ai pas d'enfants et je suis valide. Je donne de l'argent, oui, mais je pourrais donner mes bras. Bref, si je devais définir mon engagement, il est essentiellement dans le monde des idées. 

Le monde des idées

Il n'y a pas une seule façon d'être un bon militant

Je ne compte pas m'excuser de ça. Parfois, tu vois des militants ou sympathisants s'écharper sur la pureté militante. Tu peux pas te dire militant si tu manifestes pas, par exemple. Alors je ne veux pas dézinguer cet argument violemment mais Raphaël Enthoven l’a utilisé, hein… Ca situe un truc. Les manifestations, je peux comprendre qu’on ne peut pas toujours y aller. Déjà, quand tu n’es pas valide, ce n’est pas évident et chacun son énergie. Sans parler de ceux qui vivent loin et pour qui le déplacement a un réel coût. C’est pas pour rien que les gilets jaunes avaient pris une telle ampleur : n’importe quel rond-point pouvait devenir lieu de manifestation. 

Les gilets jaunes en manifestation sur les ronds-points

Regardez comme nous sommes intellectuels

Les gilets jaunes, parlons-en parce qu’il me semble qu’on a loupé un truc, à gauche. Je pense sincèrement qu’on souffre de deux choses. D’abord d’un élitisme intellectuel. Ah bah oui, on aime les concepts compliqués, parler dans un vocable alambiqué que seuls nos pairs peuvent comprendre. Dans un contexte universitaire pourquoi pas mais sur un réseau social, vraiment ? Je veux dire, prenez Bourdieu. Ses idées et concepts sont fondamentaux sur pas mal de sujets. Il a pensé le goût bourgeois, les dangers des médias, la domination masculine… mais c'est totalement imbitable. Je n'ai pas étudié la sociologie, quelques cours en option mais rien de suffisant pour maîtriser le jargon. Et Bourdieu m'est difficilement accessible en l'état. Dieu merci, beaucoup de personnes se sont lancés dans la vulgarisation, permettant à un plus grand nombre de capter des concepts clés de façon simple.

Fumer la pipe

Récupérer toutes les colères et leur imposer le parti

Autre biais un peu insupportable : la volonté de mettre au pas d’un mouvement de colère derrière un parti. Je vais encore râler sur la France insoumise mais pour le coup, à gauche, ce sont les plus flagrants exemples sur le sujet. Pour LFI, la victoire tient à quelques milliers de voix à aller chercher. La population est trop clivée pour espérer des basculements de votes même s’il y a toujours la ligne “fâchés pas fachos” incarnée par Ruffin. Donc on va aller chercher les abstentionnistes en capitalisant sur leur colère. Pourquoi pas, dans l'absolu. Mais tu te retrouves à défendre des trucs pétés qui vont froisser une partie de ton électorat. Cf la séquence du personnel hospitalier non vacciné. Mais surtout, le but, c’est d’essayer de récupérer tout mouvement en le plaçant sous l’égide du parti avec une figure de proue qui va organiser des réunions, créer une proximité avec les collectifs de citoyens… Et donner cette impression que tout doit partir de la tête et qu’aucune expression non validée par l’organisation nationale ne peut exister. Paris fait main basse sur la province. 

les gilets jaunes en colère

Sortir du jargon intellectuel

Toujours cette volonté d’uniformiser la prise de parole, de faire “comme on a dit”. Sauf que la pureté militante et souvent intellectuelle, ça exclut. Ca donne l’impression qu’il y a les sachants et les autres. Ceux qui parlent et ceux qui doivent écouter. Alors que ça ne peut plus marcher comme ça. Par exemple, il y a tout une population de joyeux gauchistes qui se sont lancé dans le streaming. Je regarde régulièrement des replays sur Youtube avec des titres que je trouve assez putaclics. Moi, je suis pas trop fan des “il éteint machin”, “il extermine truc”. Mais c’est aussi ça qui fonctionne. J’aime pas la culture du clash, surtout que les vidéos derrière sont souvent plus riches que ça. Mais moi, je les connais, ces streameurs et streameuses donc ce qui me fait cliquer sur leur contenu, c’est leur nom, pas le titre de la vidéo. Mais ça peut amener à eux un nouveau public, toucher une audience hors de portée de sujets qui peuvent paraître trop sérieux.

nat_Ali, la streameuse engagée

Débattre avec l'extrême-droite

Et puis avec qui débat-on ? J’écoutais la semaine dernière un stream de Marikigai recevant Mathieu Burgalassi qui est un spécialiste de l’extrême-droite. Spécialiste dans le sens où il a été en contact avec elle, notamment pour sa thèse sur les survivalistes. Thèse devenue bouquin qu’il faut vraiment que je lise. Ca aussi, c’est un point important. A gauche, on aime notre cordon sanitaire, on ne veut pas discuter avec l’extrême-droite. Moi la première parce que je perds très vite mon chill. Je suis clairement pas faite pour jouer aux échecs avec un pigeon. Mais on applique des croyances sur les votants d’extrême-droite sans chercher au-delà de ça. Oui, ok, la motivation, c’est le racisme. Mais qu’est-ce qui nourrit le racisme ? Je veux lire le bouquin de Burgalassi précisément parce qu’il découvre des gens qui se préparent à une guerre qui n’existe pas. Une guerre civilisationnelle qui n’existe pas mais qu’ils en sont presque à espérer. Burgalassi, c’est le mec qui va sur les médias très à droite, genre Sud radio, pour balancer des faits. Rappeler que le seul parti politique affilié aux attentats islamistes de 2015, c’est le RN. Alors c’est pas une parole qui va être entendue par tous et toutes. Mais est-ce que c’est plus vain que d’essayer d’aller draguer des soignants qui veulent pas se faire vacciner ? Dans le tas, ça va faire douter. Souvenez-vous que débattre en ligne, ce n’est pas tant chercher à convaincre notre contradicteur, qui restera toujours très droit dans ses bottes, mais ceux qui écoutent passivement

Cordon sanitaire

Chacun sa façon de militer dans le respect de certains garde-fous

Bref, la question n’est pas de savoir quelle est la bonne façon de militer mais d’admettre qu’il en existe autant que de militants. Et chacun ses armes. Si vous voulez vous exprimer dans un jargon qui laisse entrevoir votre intelligence et votre culture sur les questions politiques, why not. Si vous pensez que l’humour est une meilleure voie, go. Parler ou ne pas parler à l’extrême-droite ou sur les médias d’extrême-droite, à vous de voir comment vous vous sentez face à ça. Choisissez la voie qui vous correspond le mieux mais n’allez pas tirer sur les camarades qui optent pour un autre chemin. Tant qu’ils ne basculent pas dans un truc trop cringe, évidemment. Nos ennemis, ce sont pas les petits copains qui font juste pas comme nous. 


 

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L
Je suis d'accord avec tout et je ne vais pas te paraphraser. Je crois qu'il nous manque un truc cependant, c'est la capacité de faire front. Enfin on y arrive mais pas assez, et je crois que la faute revient justement aux intellectuels et aux médias paresseux. On gagnerait tellement de temps avec des contradicteurs sur la place publique, au lieu de ça tout le monde regarde ses chaussures et a l'outrecuidance de dire qu'on ne l'avait pas vu venir. J'entends la sidération mais je pense qu'elle devrait être dépassée chez ceux qui ont une voix plus audible (les médias et les intellectuels, donc). Il y a du monde qui met en garde mais force est de constater qu'on se bat parfois contre des moulins à vent. Moi je crois qu'on a besoin d'imposer le silence à ceux qui parlent trop fort. C'est la force de Bluesky, pour rester dans le militantisme des réseaux, qui permet de faire fermer leur clapet aux nauséabonds d'extrême droite en un clic. Mais un pays entier n'est pas sur un réseau social, ce n'est pas représentatif. Et en vrai, je sais même pas comment on peut enrayer définitivement l'enfer qui nous attend (qui est déjà là).
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