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Citizen Bartoldi

Blog d'une citoyenne qui rêve d'une société solidaire et égalitaire mais qui voit ce rêve s'éloigner chaque jour un peu plus

Une tempête d’actualités

Publié le 20 Octobre 2022 par 47 in Actualités, Journalisme, A la une ce soir

Récemment, j’ai lu quelques chapitres de Bienvenue dans l’anthropocène de John Greene. Quelques chapitres car j’ai dû le rendre à la bibliothèque mais je le reprendrai pour le finir car y avait pas mal d’idées intéressantes. Notamment CNN. A un moment, l’auteur parle de CNN comme une tempête permanente d’actualités qui nous harasse et nous fait perdre un peu le nord, une news en chassant une autre. Oh bah tiens, voici un sujet intéressant, on est parti !

CNN

Difficile de se maintenir réellement informée

Cet article ne va pas tant expliquer pendant une heure tout le mal que je pense des chaînes d’infos en continu. Déjà parce que je l’ai déjà fait. Ensuite parce que c’est un phénomène un peu plus vaste que je souhaite souligner. Premier point : il est difficile d’être vraiment au fait de l’actualité. Actuellement, je me considère assez moyennement informée. Par manque de temps pour l’essentiel. Je picore selon ce qui m’interpelle. Mon point d’entrée est globalement Twitter, qui vaut à peu près n’importe quelle chaîne de télé généraliste. Je regarde quelques vidéos Youtube également, notamment Blast ou Ouvrez les Guillemets. J’écoutais les matinales d’Ost Politik à un moment mais j’ai un peu lâché par manque de temps. Bref, je suis suffisamment informée pour vivre dans l’angoisse et le désespoir mais pas assez pour avoir un peu plus de profondeur sur certains sujets. Surtout ceux qu’on n’aborde pas dans les médias. Genre j’ai su qu’il y avait des élections au Québec parce que j’ai regardé une série sur Télé Québec et que je me mangeais tous leurs spots de campagne en plein milieu de mes séries. Oui, leur pubs instream sont très différentes des nôtres. 

Elections au Québec

On y pense et on oublie

Ayant peu de temps pour creuser, du fait de ma formation en cours, je prends donc l’actualité comme elle vient. Et je vous le dis : c’est une tempête permanente. Et c’est parfaitement illustré par les chaînes d’infos en continu puisque la moindre déclaration devient un événement qui va être amplifié, décortiqué, épuisé tel un vieux citron trop pressé et on passe à autre chose. La séquence médiatique ne s’arrête jamais. Ah Sandrine Rousseau a toussé, vite, invitons Raphaël Enthoven pour qu’il puisse dire du mal d’elle ! Ah, il neige, un envoyé spécial à l’aéroport pour dire que les avions continuent de décoller, vite ! Du coup, l’actualité chaude d’avant-hier est littéralement oubliée car on est passé à deux ou trois autres sujets depuis. Un exemple : la crise en Iran. Pendant plusieurs jours, on a parlé de toutes ces femmes qui se lèvent, de la crise de régime majeure et puis… plus rien. Des actrices se sont coupées trois mèches et on est littéralement passé à autre chose. Alors certes, l’Iran est en train de tout couper donc on manque d’images et sans images, on n’en parle pas. Mais bon sang, ce qui se passe est à la fois historique et terrifiant. 

Crise en Iran

De guerre et d'essence

Et que dire de la guerre en Ukraine. Là, c’est pas compliqué : je pine rien. Alors je ne parle pas de “oui, les médias, ils sont influencés, bla bla bla”. Déjà, oui, par nature, les médias sont influencés. Le mythe de l’objectivité, faut arrêter. Mais c’est surtout qu’il y a environ un mois, on était genre à dire que Poutine était défait. “On croyait que la Russie était la deuxième armée la plus puissante du monde, c’est en fait la deuxième armée la plus puissante d’Ukraine”. Et là, Kiev se fait bombarder ? Ok, je situe bien le côté baroud d’honneur, le “après nous, le déluge” mais du coup, le “ahah, la Russie a perdu”, je trouve que pour un pays qui a perdu, ils font encore beaucoup de dégâts. Ah et revoilà la menace de l’attaque nucléaire. Qui a l’air surtout de servir à nos politique à nous intimer de fermer nos bouches. Vous allez encore créer de la panique et les gens vont aller s’acheter de l’iode. Déjà qu’avec vos conneries, on se retrouve avec des pénuries de pâtes, de PQ et d’essence. L’actualité a une dimension auto-réalisatrice dont on parle peu. Tiens, je vais en faire un article à part, je note l’idée. 

Angoisse face à l'actualité

Une actualité qui veut nos réactions

Et le pire, c’est que cette tempête d’actualités nous demande de participer, de réagir. Encore plus aujourd’hui avec les algorithmes qui dictent la visibilité de tel ou tel média. Je l’avais déjà évoqué mais les médias en ligne doivent jouer sur nos émotions pour créer de l’engagement, du clic et donc travailler son reach. C’est épouvantable. Pourquoi vous croyez que sur 577 députés à l’Assemblée, on va surtout parler de Sandrine Rousseau, Danièle Obono et parfois Louis Boyard ? Parce que les boomers de Facebook vont poster des commentaires pour dire qu’ils les détestent. Parce que ça va se RT sur Twitter avec un commentaire sarcastique. Je veux dire sur 577 députés, vous pouvez en nommer combien ? Dix ou quinze ? Allez, une trentaine si vous suivez un peu ? Par exemple, mon député, je n’en entends jamais parler. C’est pas qu’il fout rien, c’est juste qu’il n’est pas une muleta algorithmique. 

L'Assemblée nationale

 

Tout est toujours urgent

En média, tout est urgent. J’ai un peu ricané lors de la remise des Prix Nobel “urgent, Annie Ernaux prix nobel de Littérature”. Ou mes préférés “Urgent ! Angela Lansbury est morte”. C’est quoi l’urgence ? Genre c’est un zombie et elle risque de nous attaquer ? Elle est morte, elle est morte, y a plus vraiment d’urgence, là. Regardez, même la mort de la Reine, on est déjà passés à autre chose. On était tous là “ohlala, on l’a toujours connue, ça fait un choc quand même”. Et depuis, on a oublié. Parce que “Annie Ernaux, c’est même pas de la littérature”, “Vous annoncez l’homosexualité d’un personnage dans un dessin-animé, vous voulez convertir nos enfants !”. Oui parce que pour beaucoup, les relations hétéros, c’est de l’amour, les relations homosexuelles, c’est du sexe… “Sandrine Rousseau a le hoquet !”. Oui, l’actualité semble pas mal dictée par les paniques morales de droite, comme c’est curieux… 

Paniques morales

 

On s'indigne et on oublie

Bref, on est sursollicités en permanence. C’est pour ça que je voulais arrêter l’actualité d’ailleurs. Enfin, arrêter de la suivre car la marche du monde ne suit pas mes caprices. L’actualité n’est là que pour susciter des émotions. Pas toujours négative, hein. On s’émerveille de photos prises de l’espace en barbotant dans une ambiance fin de monde permanente. On a peur des bombinettes de Poutine alors qu’on précipite la prochaine extinction de masse. Mais dès que les incendies s’éteignent et les inondations se calment, on oublie le péril. Si c’est pas immédiat, ça n’existe pas. Regardez le Covid. On a vécu des situations extraordinaires avec cette maladie. Au sens littéral du terme, extraordinaire. On a vécu calfeutrés chez nous pendant deux mois, on s’est dit que plus rien ne serait comme avant. Tellement que là, on barbote en pleine huitième vague dans l’indifférence générale. Oh ça va, le covid, c’est juste une grippe qui peut faire un peu gastro, aussi. Perso, je n’ai envie d’aucun des trois… C’est fou cette capacité d’amnésie mais compréhensible. On nous bombarde trop, on n’a le temps ni de faire la part des choses, ni de prendre du recul.

Je suis débordé

 

Une amnésie bien pratique pour nos dirigeants

Et cette tempête d’actualité sert bien… nos dirigeants, hé oui. Surtout la Macronie là. Depuis son élection en 2017, est-ce qu’il y a vraiment eu un mois sans scandale ? Les plaintes contre Darmanin ou Abad, l’affaire Benalla, Kohler, Uber… pour ceux qui me reviennent en tête spontanément. Mais tout s’empile à une telle vitesse. Et on te rajoute une poignée de Sandrine Rousseau, les dernières déclarations de Mélenchon. Cependant, sur ce point, par pitié, mettez ce monsieur à la retraite, JPP de lui. Et puis l’essence, et puis la guerre, et puis le dernier épisode de Stranger things, et puis le prix nobel, et puis l’inflation, et puis Noël alors que l’inflation, et puis les grèves. Et puis. Et puis. 

Une pile de journaux

Tel un enfant en manque d'attention

Quand je bosse en open-space, je suis globalement “la fille au casque”. Parce que oui, j’aime m’abriter du bruit ambiant pour pouvoir me concentrer et travailler. L’actualité, c’est le bruit ambiant. Ou plutôt le collègue agité à côté de toi qui a manifestement peu envie de bosser et très envie de papoter. Ou un enfant qui veut en permanence que tu sois le centre de ton attention. Quoi que des fois le collègue dissipé fait vraiment penser à un enfant en mal d’attention. Bref, on nous sollicite en permanence, on ne nous laisse pas penser et on souhaite nos réactions vives sur tout et rien. Tu m’étonnes que j’ai envie de pleurer dès que je pense au “monde”. Cependant, je suis pas sûre que, sur le sujet, prendre du recul et analyser les faits me donne un quelconque espoir. Mais quitte à me résigner à ce que la fin de l’humanité soit proche, est-ce qu’on pourrait me laisser faire mon deuil un peu tranquillement ? 

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