Bon, je l’annonce d’entrée de jeu : je vais tordre des concepts. Mais là, je suis dans un tel état de nerf quand je vois ce qui nous attend dans les prochaines années que bon… Je parle de backlash de temps en temps sur ce blog sans chercher à le définir. Donc aujourd’hui, nous allons définir le backlash et après, je vais vous parler de ce que j’aimerais être un backlash gauchiste. Un refrain sur les lendemains meilleurs.
Un retour de bâton systématique
Le backlash, qu’est-ce que ? D’un point de vue purement linguistique, on le définit par contre-coup, une idée de retour de bâton. Ce terme a été politisé par Susan Faludi dans son essai féministe “Backlash, la guerre froide contre les femmes”. Pour vulgariser à l’extrême, Faludi factualise les retours de bâton qui ont lieu à chaque avancée féministe. On a parfois tendance à l’étendre à toute avancée sociale aujourd’hui. Chaque victoire du camp progressiste va générer une crispation chez les réacs qui vont se mobiliser pour remettre les choses à ce qu’ils estiment être à leur juste place. Le backlash est souvent insidieux, ce n’est pas du un contre un mais plus la montée des réactionnismes et la mise en place de système favorisant le dominant plutôt qu’une interdiction pure et simple du dernier droit acquis. Et on est en plein dedans. Après la vague féministe des années 2010 liée notamment à la libération de la parole Metoo mais aussi la popularisation de certaines notions comme la charge mentale, la reconnaissance, enfin, de l’endométriose… Je pourrais presque pousser jusqu’à la mise en place d’un congé menstruel mais c’est tellement rare que c’est plus une exception qu’une généralité.
Un retour réactionnaire dur
Les années 2020 sont donc marquées par un backlash qui se manifeste de différentes manières. Politiquement avec l’arrivée au pouvoir de politiciens se mettant vent debout contre le progressisme, l’interdiction de l’avortement dans certains pays comme la Pologne ou certains Etats Américains. Socialement, on voit de plus en plus de discours valorisant la “trad wife” avec foule de Tiktok, des mascus expliquant à longueur de journée qu’une femme bien sous tout rapport ne doit pas vouloir sortir sans son homme, doit savoir cuisiner, ne pas avoir d’ami masculin, un body count bas… Bon, perso, un mec qui exige ce genre de choses de moi, je ne sortirai pas avec et l’inviterai à aller se faire cuire le cul mais la multiplication de ces discours nous permet de mesurer la profondeur de la vase nauséabonde dans laquelle on patauge. Déjà, rien que la notion de body count… Moi, je suis arrivée à l’âge adulte à l’ère de Sex and the city, j’étais encouragée à vivre ma sexualité librement et sereinement. Qui aurait cru que 25 ans plus tard, Sex and the city aurait des airs de pamphlets féministes ? Bref, pour les dernières élections américaines, le clivage électoral par genre a été particulièrement marqué, les références àThe Handmaid’s tale ont plu. Le backlash, c’est ça.
Et si on ne se contentait pas d'attendre notre tour ?
Sauf que moi, ça m’agace, cet angle de vue. Je ne remets pas du tout en cause le concept de Backlash édicté par Susan Faludi vu que les faits lui donnent une nouvelle fois raison. Oui, elle, elle a étudié le Backlash des années 80 suite aux avancées féministes des années 70. La vague réac est réelle. On pourrait partir à discuter dialectique de Hegel où progressisme et réactionnisme se chipent le bâton de pouvoir régulièrement, une vague après l’autre. Mais c’est pas tant mon sujet. Le backlash, tel que défini par Faludi, a des goûts de punition, de fin de récré funeste. Et oui, clairement. Les signaux sont en rouge dans pas mal de pays. Y compris le nôtre. So what ? On serre les fesses en attendant notre tour ? La vague réac finira par reculer et ce sera à nous de diffuser nos idées progressistes ? C’est ce qu’il se passera, c’est l’ordre de l’Histoire. Cependant, en attendant, qui va payer l’addition ? Trump est élu depuis même pas une semaine, il n’est même pas encore au pouvoir que ça part totalement en cacahuètes. Sms racistes, manifs mascus, volonté de discriminer les trans. Pendant qu’on attend notre tour, des femmes meurent lors d’avortements clandestins. Un violeur et agresseur sexuel qui se vante d’attraper les femmes par la chatte est élu à la tête de la première puissance mondiale. Dans un contexte d’effondrement climatique où on a déjà dépassé la fenêtre de réaction pour enclencher la marche arrière sur les émissions de GES, un climato-sceptique a été élu à la tête d’un des pays les plus polluants du monde. On n’a pas le luxe d’attendre “notre tour”.
On se fait tranquillement marcher dessus
Et puis donner aux réacs le pouvoir du backlash me dérange. Ca donne l’impression que seuls eux ont la capacité de s’organiser, ont la puissance de faire reculer tout le monde. Alors, certes. On ne va pas se mentir, les réacs ont généralement la puissance économique leur permettant de diffuser leurs idées nauséabondes, leurs obsessions, leurs mensonges, aussi. Ils vont jusqu’à créer de toute pièce des histoires de censure, de vendetta. Y a qu’à voir toute la séquence sur le livre de Bardella avec un Ciotti en roue libre qui raconte n’importe quoi sur un plateau télé et rétorque à un journaliste tentant de lui rappeler des faits. “Vous avez votre vérité, j’ai la mienne”. Heu mais je ? Alors à gauche, naturellement, on s’indigne, on dénonce ces mensonges mais n’est pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Quand j’ai évoqué le fait qu’il était anormal que la gauche, qui a gagné les dernières élections, ne gouverne pas, mon père m’a répondu “oui mais le NFP, c’est pas un parti”. Et donc ? J’en ai gros après la gauche actuellement et je finirai par écrire un article là-dessus mais…
Une opposition tiède
Je trouve que le coeur du truc est précisément dans cette histoire de législatives. Prenons deux faits politiques certes assez distincts l’un de l’autre mais qui me paraissent symptomatiques. A gauche, donc, le NFP gagne les législatives avec une majorité de députés.Macron dit que non, ça ne compte pas, ils ont pas une majorité assez importante. Ok, c’est un fait mais ce n’est pas ça, la règle. Déjà, rappelons que le bloc présidentiel, lui aussi composé de plusieurs partis, est arrivé premier en 2022 sans majorité absolue et personne n’a contesté la nomination d’un parti issu de ce bloc. Du coup, Macron va chercher un mec issu du quatrième parti aux élections et lui garantit qu’il aura le soutien du bloc présidentiel. Ce qui est faux, finalement mais peu importe. La gauche a protesté mollement, on a fait une manif ou deux et c’est tout. On a accepté en protestant mollement un recul démocratique important. Par contre, à droite, quand un candidat perd des élections, c’est l’insurrection. Aux Etats-Unis ou au Brésil.
Le réactionnisme, un faux remède à vos malheurs
Alors oui, il est normal d’associer le backlash à une droite plus violente et radicale. Oui parce que ça chiale sur la violence des antifas mais dans les faits, on voit qui agresse et qui tue. Là encore, les faits parlent mais personne ne les écoute. A gauche, il y a du militantisme, on essaie de ne pas lâcher le terrain. Sur les murs, les réseaux sociaux, dans certaines librairies. Sauf que ça reste timide et finalement cantonné dans un certain entre-soi. Je peux vous faire une liste longue comme mon bras de gens de gauche à écouter, regarder, lire. Mais ça reste une démarche à faire. Et puis les discours de gauche ne sont pas toujours très flatteurs pour nous. Prenons les discours mascu, on pourrait résumer ça à “si vous êtes malheureux, c’est la faute des femmes”. Idem chez les racistes mais tu remplaces “femmes” par “immigrés, Arabes, Noirs, migrants”, qui tu veux. Le réactionnisme est finalement digne d’une pseudo science qui pullule dans la sphère du développement personnel. Pour être heureux, il suffit de. Une promesse qui n’est pas tenue au demeurant, les prises de pouvoir réactionnairesne s’accompagnent pas d’une amélioration économique pour les plus précaires ou une hausse des mariages hétérosexuels. Au contraire, même. Mais on préfère toujours la solution apparemment facile qui ne nécessite aucun effort. L'ozempic économique.
On va arrêter d'être polis, à un moment
Et si la gauche arrêtait d'être polie et didactique, finalement ? Non parce que la terreur woke, on va arrêter deux minutes, ça n’existe pas. Je veux dire si vous avez peur des acteurices noir·es dans un premier rôle, le problème, c’est pas le wokisme… Marrant de voir comme le clan du virilisme prend peur pour rien, d’ailleurs. Alors je n’appelle pas aux outrances façon LFI qui se vautre parfois dans la bêtise. Et on n’oublie pas non plus que le personnel politique n’est pas le seul autorisé à parler ou militer. Rappelons-nous que si une personne estime que l’on dessert notre cause à parler de façon virulente, c’est juste une excuse pour ne pas adhérer à une idée. C’est pas trois féministes vénères qui vont décrédibiliser la cause à mes yeux. Au pire, si j’en trouve une vraiment conne, c’est pas grave. Je l’ignore et je prends toutes les autres. Et on fait attention aussi à ces “féministes” de plateau qui n’ont de féministe que l’étiquette et vont caresser les mascus et autres soldats zélés dans le sens du poil sur les plateaux télé. Imagine, y a même des meufs qui se disent féministes et passent leur temps à dire que le féminisme va trop loin. Zinzin.
A nous de backlasher
La gauche doit reprendre la main, mettre en place son backlash. Le risque du fascisme en France est réel, surtout quand on voit les vagues chez les voisins, plus ou moins éloignés. Alors même que l’on sait que ça ne résoud rien, bien au contraire. Mais le loup sait mieux séduire les moutons que le berger. Ca urge, on n’a plus le temps d’être poli et d’arrondir les angles. De toute façon, on a atteint un point où même si on gagne, on perd. Il faut trouver la parade et vite. Je ne sais pas laquelle mais la réponse est peut-être dans l’Histoire. Comment on a contré le réactionnisme par le passé, comment on a remis la société sur les rails de la progression sociale. Oui, notre tour viendra, on le sait. Mais avons-nous le luxe d’attendre ? Pour moi, la réponse est non.